Les 7 provinces du nord des Pays-Bas espagnols (Hollande, Zélande, Gueldre, Frise, Overijessel, Utrecht et Groningue) qui avaient fait sécession par l'Union d'Utrecht (1579) n'arrivèrent pas à se donner un souverain et se constituèrent en 1588 en un Etat républicain, Etat détaché au XVIème des possessions de Philippe II, roi d'Espagne, et reconnu pleinement indépendant en 1648. Au sein de la République des Provinces-Unies, chaque province conservait une large autonomie : elle avait ses Etats provinciaux, composés de représentants élus des villes (les régents), un Premier ministre (le « pensionnaire ») et un gouverneur militaire, le « stathouder » (capitaine et amiral général, qui représente l'identité politique).
Le pouvoir fédéral est assuré par des délégations des Etats provinciaux constitués en « Etats généraux », où chaque province n'a qu'une voix. Mais la Hollande, par son poids démographique et économique, joue un plus grand rôle . Son pensionnaire est le « grand pensionnaire » de la fédération. Il entre fréquemment en conflit avec stathouder général qui est, par tradition, un membre de la famille Orange-Nassau – lequel tente régulièrement de concentrer en ses mains l'ensemble des pouvoirs des 7 provinces. Au cours du XVIIIème (1747), le stathouder devient unique et commun à toutes les provinces, et est progressivement investi de pouvoirs étendus de nomination aux fonctions dans les administrations urbaines qui étaient pourtant censées le nommer et le contrôler.
Le grand pensionnaire prend appui sur le « parti des Etats », composé de bourgeois et du patriciat marchand. Le parti orangiste s'appuie sur la noblesse et aussi le petit peuple des villes, hostile à l'oligarchie marchande et intransigeant sur le plan religieux. On a donc une première fracture politique qui résume les débats ainsi : faut-il renforcer la souveraineté du peuple ou la représentation des élites ? Cette opposition politique se prolonge par la confrontation de deux mythes fondateurs de la société néerlandaise (et antithétiques) :
•Le mythe de la peuplade batave (peuple de l'Antiquité mentionné par Tacite) qui avait résisté victorieusement à la pression romaine servait de ralliement dans les provinces éclatées, et fournissait aussi des valeurs et vertus communes pour dépasser le clivage religieux récent. Dans cette conception, le stathouder était une aide à laquelle on pouvait faire appel en cas de menace extérieure, mais son autorité ne nuisait pas au caractère républicain de la structure politique, puisque il demeurait soumis à l'autorité du peuple garantie par la constitution.
•Le mythe de l'Israël néerlandais, peuple élu de Dieu en raison de son adhésion massive à la vraie religion prêchée par Calvin. La traduction politique de cette idéologie lie le peuple au stathouder, en faisant l'homme et prince providentiel investi d'une mission, et justifié dans son ambition à incarner un Etat centralisateur et unitaire.
Ce double édifice idéologique témoigne d'une conception particulière du régime républicain, et légitime un pouvoir politique en perpétuel balancement entre un pôle fédératif, centrifuge et élitiste, et un pôle unitaire, centralisateur et populiste.
[...] Même s'il s'agissait d'une Constitution imposée au peuple batave, la République retrouvait, après plusieurs années de troubles politiques et d'ingérences françaises caractérisées, un régime constitutionnel et une certaine autonomie. La révolution batave paraissait ainsi achevée, et sans aucune effusion de sang. L'alliance inégale avec la France imposait au fond à la République batave la nécessité de marcher sur la même ligne politique que sa puissante alliée. Et celle-ci, en raison d'intérêts stratégiques, ne semblait prête à lui consentir qu'une autonomie relative. [...]
[...] L'opposition patriote avait donc toutes les raisons de se faire plus forte. L'issue malheureuse de la guerre est ressentie d'autant plus violemment qu'elle se double d'une régression économique plus accentuée, due à la montée en puissance de l'Angleterre et de la France, et mène donc à des revendications politiques. Politisation de la situation : Les régents anti-orangistes virent dans le discrédit du Stathouder un moyen de rogner sa puissance. Pour élargir le mouvement des mécontents, ils firent miroiter une ouverture du pouvoir communal à ceux qui étaient exclus du système représentatif, accordèrent le droit de pétition, desserrèrent la censure. [...]
[...] Mai 1806 : désignation de Louis Bonaparte comme roi de Hollande : annexion et départementalisation du pays par l'Empire français : révolution à La Haye, et la haute souveraineté est offerte au prince Guillaume d'Orange-Nassau, qu'il accepte et rentre d'exil[13]. La République est transformée en monarchie. Par une profonde réaction aux années franco-républicaine, la notion de liberté (vrijheid) aux Pays- Bas signifie désormais en premier lieu indépendance nationale vis-à-vis des Etats voisins plutôt que liberté individuelle du citoyen vis-à-vis du gouvernement. [...]
[...] Les renforts français espérés, voire promis par Louis XVI, n'arrivèrent point : Loménie de Brienne n'avait pas les moyens de mener une guerre à la Prusse. Pendant ces mois mouvementés, aucune autorité ne sembla détenir le pouvoir. Le parti stathoudérien ne put que lentement réorganiser l'administration. Beaucoup de patriote prirent d'abord le chemin du Brabant autrichien, puis de la France ou de quelques Etats germaniques (Steinfurt ou Brême). Beaucoup revinrent après quelques mois. La phase contre-révolutionnaire a produit une vive impression sur ceux qui en ont relaté les faits. [...]
[...] Ce club politique fondé en 1790 réunissait des révolutionnaires modérés, comme La Fayette, Mirabeau, Bailly, Condorcet, Sieyès. Les bataves les plus connus y étaient le pasteur Marron, les banquiers De Witt, Balthasar Alias Abbema ou Jacobus Van Staphorst. On en retrouve encore certains aux Feuillants, club fondé un an plus tard. Un des dirigeants des feuillants était Jean Antoine d'Averhoult, patriote batave qui sera élu en 1791 pour le département des Ardennes à l'Assemblée législative. Le 19 juin 1790, Anacharsis Cloots, l'orateur du genre humain se présente à l'Assemblée et plaide pour une fête de la Fédération universelle puisque les chants d'allégresse de 25 millions d'hommes libre sont réveillés des peuples ensevelis dans un long esclavage Parmi les signataires de son discours, des Arabes, des Prussiens, un Chaldéen, des Anglais, un Espagnol, et pas moins de 19 bataves, c'est-à-dire plus de la moitié. [...]
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