Les auteurs de " L'Histoire de la population mondiale" définissent cette période comme la crise européenne (1600-1740) mais on peut légitimement penser qu'il y a là un abus de mot. En effet, il ne semble pas que le concept de crise soit celui qui permette de caractériser le mieux la période d'un siècle et demi et on peut lui préférer le concept de stabilité qui mène à une toute autre interprétation du "tragique" XVIIe siècle considéré, cette fois, sous l'angle d'un XVIIe siècle « classique », représentant ordre et stabilité. Notre période connaît certes des crises violentes, mais celles-ci apparaissent plus rares, moins longues et moins intenses que dans les siècles antérieurs.
[...] Les auteurs espagnols de cette époque sont littéralement hantés par le dépeuplement. Le Portugal peut se séparer de l'Espagne, montrant ainsi le signe de vitalité qui touche toutes les périphéries de la péninsule ibérique, Catalogne ou Pays Basque, alors que le cœur du royaume, les Castilles, a tendance à se dépeupler ; les phénomènes centrifuges tendent à se développer. Dans l'analyse de la balance des forces en Europe apparaît maintenant la maison d'Autriche, composée de plusieurs Etats unifiés sous le même sceptre, celui des Habsbourg de la branche cadette. [...]
[...] Les Pays-Bas espagnols, puis autrichiens, au contraire, enregistrent un tassement des populations urbaines qui stagnent ou reculent et, en tout cas, perdent le premier rang qui était le leur dans les périodes antérieures : Anvers perd la moitié de sa population (de vers 1600 à en 1700), Gand plafonne autour de Bruges décline lentement ainsi qu'Ypres. Dans le royaume d'Angleterre, Londres avec, dit-on, près de habitants après les épreuves de la grande peste et du grand incendie, réunit plus de 10% des Anglais et empêche le développement des autres villes : seules Bristol, Norwich, York dépassent de peu habitants. Dans l'Empire, Vienne confirme son accession au rang de grande capitale avec habitants vers 1700. [...]
[...] Le petit épisode glaciaire qui dure de 1600 à 1850 contribue, sans doute, à créer de conditions défavorables aux activités agricoles. Durant les hivers froids, les semences mises en terre gèlent avant germination. A la suite d'étés frais et humides, la récolte de céréales peut être anéantie sous les coups multipliés des orages ou de la rouille. Si les mauvaises années se suivent, c'est peu à peu la disette qui s'installe par non- renouvellement, puis par épuisement des stocks. Alors les prix montent, ceux du froment d'abord, puis ceux de toutes les autres céréales, entraînés à la hausse par le report des consommateurs du froment trop cher sur les autres céréales moins chères. [...]
[...] De même, l'Italie, avec 13 millions d'habitants, connaît une période de stabilité démographique. Les pestes y sévissent particulièrement et contribuent à maintenir la population autour des chiffres de 1600. En Espagne, dans le royaume unifié, la population passe de 9 à 6 millions. L'immigration vers les colonies, le célibat définitif des membres du clergé et de nombreux militaires stationnés loin de la mère patrie, l'expulsion des Morisques, les pestes de 1596- les mauvaises années agricoles, autant de facteurs cumulés qui freinent un développement démographique pourtant indispensable au maintien de l'empire colonial. [...]
[...] Mais on a pu montrer qu'il existe des chertés sans mortalité et des mortalités sans cherté dans le cadre général de l'analyse des crises de subsistance menée par J. Meuvret et P. Goubert. Il apparaît vraisemblable qu'il n'y a plus de grandes famines porteuses de mortalité généralisée au XVIIe siècle ; il y a seulement des disettes et des carences alimentaires qui affaiblissent les hommes et permettent quelquefois le développement de cycles épidémiques. Durant la période moderne, la guerre joue un rôle important dans les causes des crises démographiques. Directement ou indirectement, la guerre provoque des pertes considérables. [...]
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