La Magna Carta de 1215 et l’élaboration de l’Etat anglo-saxon moderne

Résumé du document

L'histoire de l'Angleterre à partir de la conquête des Normands et tout au long du Moyen Âge peut être assimilée, comme le préconise Dick Howard, à « une bataille inconsciente pour transformer un territoire morcelé en une nation homogène ». La construction de l'État britannique trouve de nombreuses bases durant cette période féodale. La signature de la Grande Charte de 1215 marque un tournant dans cette construction. Non seulement elle permet d'identifier quels principes fondamentaux régissent le royaume anglais à cette époque, mais en plus le document érige des lois novatrices qui ont un rôle de premier plan dans la construction de l'État.

Il s'agit ici de voir dans quelles mesures la Grande Charte a participé à la constitution de l'État britannique tel qu'on le connaît aujourd'hui. On sait que la Grande Charte a été érigée dans un contexte particulier. C'est un acte de guerre. En effet, les barons de l'époque profitent de l'affaiblissement du pouvoir du roi Jean sans Terre dû à sa défaite contre les Français et de sa mise en échec par l'Église romaine pour le contraindre à leur accorder un grand nombre de libertés.

Extraits

[...] De même, si on a vu que l'article 48 a été rédigé dans des conditions spécifiques, il ne faut quand même pas négliger son importance. Ainsi, les accusés doivent être jugés selon les lois du pays : on n'est donc plus dans un gouvernement d'Hommes mais on entre bien dans un Etat régi par des lois impersonnelles et impartiales. De plus, cela pose l'obligation d'instaurer un procès en bonne et due forme (non factice) pour les accusés. C'est ainsi que le 5e amendement de la Constitution des EU fait écho à cet article 48 : on ne peut être privé de sa vie, sa liberté ou de ces biens que par voie légale De même cet article préfigure l'Habeas Corpus : pas de détention arbitraire. [...]

[...] Ainsi, environ 15 articles sur 62 visent directement à réguler les abus. Par exemple, les articles et 18 + le chapitre 14 de la Charte (pas même classification) qui empêche le roi d'effectuer certains prélèvements sans le consentement des populations concernées, visent directement à protéger certains groupes de personnes et institutions (barons, hommes libres, villes) des taxations arbitraires du roi. D'ailleurs celui-ci n'est plus habilité à décider seul, et les groupes privilégiés de la société anglaise peuvent à partir de la signature de la GC se réunir pour défendre leurs intérêts et empêcher le roi de les taxer sans leur accord. [...]

[...] Pareillement, l'art 49 a été interprété comme une garantie universelle d'une justice impartiale pour tous, et il a alors été utilisé par les patriotes des générations d'après pour réclamer l'élaboration d'une justice constitutionnelle. De la même manière, l'Etat des Etats-Unis, dont la construction connaît un tournant durant la guerre d'indépendance, est fortement marqué par les lois de la MC, et les colons indépendantistes ont fait référence de nombreuses fois à celle-ci pour acquérir un nouveau statut vis-à-vis de la couronne britannique. La MC a joué un rôle idéologique dans la construction des Etats modernes. [...]

[...] Pourtant on se rend compte que la MC a une portée beaucoup plus universelle dans le temps et dans l'espace. En effet, durant les siècles qui suivent sa signature, la Grande Charte est encensée par les juristes, qui voient en elle la base de tous les principes constitutionnels anglais modernes. Jusqu'à quel point cela est-il vérifié ? Dans quelles mesures la Grande Charte a-t-elle participé à la construction de l'Etat anglais ? Pourquoi est-elle considérée comme un des documents fondateurs de l'Etat, et même de la démocratie anglaise ? [...]

[...] L'article 48 est par exemple vu comme la base du principe de liberté et de protection contre l'arbitraire, utilisé dans toutes les déclarations de droits des Etats des EU par exemple. - d'abord ses principes énoncés, bien que réservés à une petite partie de la population, sont à la base de la démocratie moderne : liberté, délibération, protection de l'individu, justice = Etat de droit. mais en plus elle a inspiré et soutenu les mouvements : Elle s'inscrit dans la démocratisation de la GB et EU, sert de modèle et est invoquée quand le besoin de dénoncer les injustices se fait sentir. [...]