Siècle anhistorique, philosophie des Lumières, Kant, Vico, savoir, Göttingen, héritages, connaissance, humanité, bible, passé, archéologie, Voltaire
Le point de départ de ce cours est assez simple : le XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, souffre d'un préjugé, celui d'être un siècle anhistorique. Il suffit de songer à Rousseau, dans son Discours sur l'inégalité, lorsqu'il déclare : « Commençons par écarter tous les faits. » Cette manière de penser, l'insistance donnée au droit naturel, par exemple, peut faire croire que le XVIIIe siècle, plein de confiance en la raison, aurait été un siècle anhistorique, un siècle qui se serait défié de l'histoire. Ce que je voudrais vous montrer aujourd'hui, c'est qu'il n'en est rien, et que, bien au contraire, le XVIIIe siècle a posé les bases d'une nouvelle manière de faire l'histoire, notamment en articulant l'histoire et le sens qu'il faut lui donner.
[...] » Ce nouveau regard porté sur certaines civilisations asiatiques, comme la civilisation chinoise ou la civilisation indienne, bouleverse en définitive la connaissance, ou en tout cas plus exactement, les préjugés que l'on pouvait avoir sur la centralité de la civilisation européenne. 2. Civilisation des m?urs L'autre élément qui conduit à changer le regard est l'importance accordée au passé, et là, Voltaire joue un rôle extrêmement important, notamment dans la réécriture de l'histoire universelle. Bossuet, vous le savez, je crois que nous en avons parlé, avait présenté une histoire universelle, une histoire providentialiste. L'histoire de l'univers, l'histoire du monde, était l'histoire de la Providence, une histoire dirigée par la Providence. [...]
[...] » La connaissance de l'Inde, la connaissance de la Chine, la connaissance de l'Orient vient bousculer les hiérarchies de valeur qui pouvaient prévaloir jusque-là. Pour Voltaire, l'histoire doit être mondiale, elle ne doit pas être téléologique, elle doit aussi, dans une certaine mesure, être récente. Voltaire récuse là le débat sur les origines, qui lui semble être un débat oiseux. L'histoire doit être aussi dissociée de toute fiction et se rapporter à des sources vraisemblables, vérifiables. Cependant, l'histoire, chez Voltaire, ne doit pas s'en tenir à celle des États et des grands hommes, ni à une vaine érudition, ce qui lui fait dire, en 1738, dans une lettre qu'il écrit à l'un de ses interlocuteurs, je le cite : « Malheur au détail, c'est une vermine qui tue les grands ouvrages. [...]
[...] Le développement de l'économie au XVIIIe siècle, notamment en Angleterre mais aussi en France, repose sur un élément révélateur : la traite esclavagiste européenne, dont vous voyez sur le tableau qu'est décuple au cours du XVIII e siècle. Le nombre d'expéditions esclavagistes transatlantiques est multiplié par près de dix, et le nombre d'esclaves déportés d'Afrique vers l'Amérique sur l'ensemble du continent américain dépasse également cette multiplication par dix. Le XVIIIe siècle est donc le siècle d'un esclavagisme à l'échelle mondiale, le revers d'une économie mondiale, transatlantique tout du moins, mais pas seulement. Le textile, par exemple, se vend de part et d'autre de l'Atlantique, et le coton s'importe de continent en continent. [...]
[...] Antoine Gaubil est un jésuite qui considère que la chronologie chinoise remet en cause la chronologie biblique. En effet, la chronologie chinoise remonte à plusieurs milliers d'années avant la date que les spécialistes de l'époque attribuent au Déluge. La connaissance de la Chine conduit à remettre en question la chronologie européenne, qui dépend énormément, comme vous le savez, de la chronologie biblique. Fréret remet certes en cause les chronologies chinoises, mais en définitive, le débat finit par être tranché en faveur de Gaubil. [...]
[...] Par ailleurs, le siècle des Lumières est aussi un temps où la question de la connaissance est redéfinie. Le champ des savoirs est reconfiguré, le rapport entre l'histoire et la littérature est à nouveau posé, et la quête du sens est au c?ur de certaines réflexions et interrogations. Enfin, l'histoire est également inscrite dans des lieux, et j'insisterai plus particulièrement sur ce que j'appelle le moment Göttingen. Nous aborderons, sans doute dans un cours prochain, la question de l'histoire en révolution. I. [...]
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