Le Saint-Office de l'Inquisition n'a jamais cessé de fasciner les historiens et les hommes en véhiculant toutes ces images stéréotypées, d'intolérance, de fanatisme, de torture et de bûchers, pourtant l'Inquisition fut toute autre chose. Il s'agit ici d'étudier le fonctionnement complexe de l'Inquisition moderne, qui fut instituée par les Rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon en 1478, dans le Royaume d'Espagne, jusqu'à la fin du XVIIe siècle.
Comment le christianisme qui enseigne qu'il faut aimer son prochain a pu engendrer un phénomène comme l'Inquisition espagnole constitue l'un des paradoxes les plus dramatiques de l'Histoire ? Il s'agit de comprendre le fonctionnement et la place qu'occupe le Saint-Office de l'Inquisition dans la société espagnole des siècles d'or.
Les historiens se sont particulièrement intéressés à l'Inquisition. Ainsi, la bibliographie la concernant est très volumineuse, on retiendra des noms comme Bartolomé Bennassar, Jean-Pierre Dedieu, Jaime Contreras ou Henry Charles Lea. Les sources historiques de l'Inquisition, elles aussi sont nombreuses, en effet beaucoup de comptes-rendus de procès inquisitoriaux ont pu traverser les siècles.
Nous le savons l'Inquisition espagnole est un formidable instrument de contrôle religieux, mais n'est-elle pas autre chose ? Dans quelle mesure l'Inquisition moderne fut-elle dans des proportions différentes, à la fois un tribunal ecclésiastique, un instrument de contrôle et de régulation sociale, et un véritable appareil d'État ?
[...] Nous l'avons démontré l'Inquisition espagnole est un véritable instrument du contrôle religieux, dont la procédure permet de lutter contre les hérésies et de lancer un véritable mouvement de Contre-réforme. Mais l'Inquisition est aussi un instrument de régulation sociale. II/ L'Inquisition espagnole: un instrument de régulation sociale lutte socio-raciale entre anciens et nouveaux chrétiens L'Inquisition moderne, par l'intermédiaire de son action dans le domaine religieux, que nous avons décrite dans la précédente partie, devient rapidement l'instrument d'une lutte socio-raciale entre anciens et nouveaux chrétiens. [...]
[...] Pour Francisco Pena, qui publia un commentaire du célèbre Directorium inquisitorium de Nicolas Eymerich, l'hérésie est tout ce qui s'oppose à ce qui est dit dans les saintes Écritures, à la parole que le Christ adressa à ses apôtres, à ce qui a été défini par les conciles universels, à ce que l'Eglise apostolique et romaine propose à la foi de ses fidèles et à ce qui a été unanimement déclaré par les Pères de l'Eglise. Mais l'hérésie ce n'est seulement l'erreur, c'est l'erreur obstinée et partagée. Cette notion embrasse les concepts de choix, d'adhésion et de division (schisme). Lutter contre l'hérésie selon le Saint-Office, c'est protéger la société contre tout groupe minoritaire qui pourrait devenir majoritaire. Contrairement à l'hétérodoxie, l'hérésie à une dimension sociale. L'Inquisition a ses proies favorites. Tout d'abord les nouveaux chrétiens qui appartiennent à deux catégories en Espagne. Il y a pour commencer les juifs convertis, les marranes. [...]
[...] Véritable instrument de la chasse à l'hérétique, la procédure inquisitoriale moderne est particulièrement codifiée. Elle se fonde sur l'abondante législation qui avait été élaborée par les canonistes médiévaux, en copiant la procédure, l'échelle des peines et l'organisation bureaucratique. Elle instruisait ses juges et ses inquisiteurs dans des manuels comme le directorium inquisitorium de Nicolas Eymerich publié par Franscico Pena en 1578, le traité de Simancas publié en 1552, ou encore celui de Fernando de Valdés de 1571. Dans ces véritables manuels du bon inquisiteur, on pouvait trouver les méthodes pour identifier les hérétiques, comment les traduire devant la justice et les peines auxquelles il fallait les condamner. [...]
[...] L'Inquisition n'exerce pas la censure préalable qui n'est donc pas de son ressort, mais elle exerce une censure a posteriori d'autant plus rigoureuse et efficace, car ce contrôle se faisait par délation, même anonyme. Les inquisiteurs confiaient la lecture des ouvrages à des spécialistes les qualificateurs, qu'une lettre patente de 1607 fixa au nombre de huit par tribunal. Ensuite, si le livre était sanctionné par les qualificateurs, les inquisiteurs du tribunal local le transmettaient au Conseil de l'Inquisition qui à son tour le faisait réexaminer par deux qualificateurs, ensuite seulement le Conseil se prononçait. Les livres prohibés sont réunis dans des index. [...]
[...] Tout d'abord l'autodafé général que nous venons de décrire, le particulier, composé d'un juge civil et du condamné, le singulier, pour un seul pénitent à la fois, qui peut avoir lieu dans une église et enfin l'Autillo qui a lieu dans les locaux même de l'Inquisition. Les autodafés constituèrent la pièce maitresse dans la mise en place de la pédagogie de la peur, dont Bartolomé Bennassar, entre autres, a souligné l‘importance, dans l'action préventive et répressive de l'Inquisition. Francisco Pena lui-même la mettait en avant, en prétendant qu'il était bon d'instruire et de terroriser le peuple. [...]
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