Nous en venons avec ce cours à la question de la constitution de l'espace français à l'époque moderne. Par les acquisitions territoriales du XVIIe siècle, la France s'approche de sa forme hexagonale qui nous est familière. L'expansion territoriale s'étale sur le long règne de Louis XIV, de l'intervention française dans la guerre de Trente Ans (1618-1648) et la guerre franco-espagnole (1635-1659) jusqu'à la guerre de la succession d'Espagne au début du XVIIIe siècle (1701-1713/1714). Mais on renoue aussi avec la problématique qui sous-tend l'ensemble du cours : suivre et analyser les dynamiques de la naissance de la France moderne, discerner les éléments d'une "modernité" par rapport au passé médiéval ainsi qu'au monde contemporain et, dans cet exposé surtout, placer la France dans le contexte européen.
Des historiens comme l'Anglais Geoffrey Parker ou le Français André Corvisier ont souligné le rôle de moteur que joue la guerre dans ce processus. La guerre a engendré des formes nouvelles - plus efficaces, sinon plus rationnelles - de la fiscalité de l'Etat moderne naissant. Et dans les guerres du XVIe et XVIIe siècle est forgé l'instrument même de la guerre - l'armée : l'écart qui sépare les guerres de François Ier des guerres de Louis XIV ne réside pas tant dans le comportement des souverains qui tous les deux partent à la tête de leurs troupes à bataille ou aux "beaux sièges". François Ier s'appuya sur une artillerie moderne en son temps mais aussi sur un "corps d'officiers" qui mena la guerre à la façon chevaleresque ; Louis XIV disposa en revanche d'une redoutable machine de guerre - une armée mieux organisée et plus disciplinée qui est l'oeuvre de Louvois. Quelques chiffres de comparaison : en 1635 (déclaration de guerre à l'Espagne), la France mobilise 100.000 hommes, des contrôles de troupes donnent environ 150.000 en 1635, jusqu'à 200.000 en 1636. Pendant la guerre de Hollande (1672-1678), plus de 250.000 hommes sont mobilisés, pendant les guerres de la Ligue d'Augsbourg (1689-1698) et de la Succession d'Espagne (1701-1714) 400.000 hommes. Au total, entre 1701 et 1713, plus de 650.000 sujets du roi seraient entrés dans les armées françaises.
Dans les conflits du XVIe et du XVIIe siècle s'opère un changement décisif dans les objectifs et les moyens de la « politique étrangère » des Etats européens. Le but de la guerre reste toujours, pour longtemps, la paix chrétienne (avec, pour complément, la perspective de faire la guerre aux infidèles), fondée sur une réconciliation fraternelle entre les dynasties adversaires (confirmée par des projets de mariage, jusqu'à la paix de Vervins en 1659) (...)
[...] Les conflits dépassent le cadre européen, le rapport entre les pays européens d'une part et leurs possessions ou aspirations coloniales d'autre part entre dans la pensée stratégique sur la guerre et la paix. La dynamique des découvertes et de la rivalité coloniale engendre une réflexion nouvelle, sur la base d'antécédents médiévaux, surtout de l'école de Salamanque, sur le "droit des gens", le droit international qui aboutit à formuler, pour l'Europe, un ensemble de règles de conduite des Etats - un ius publicum europeum[1]. [...]
[...] Pris en tenaille par la France et le Turc on conclut au congrès à Ratisbonne, le 24 août 1684, une trêve générale pour vingt ans sur la base du statu quo (les Etats de l'Empire reconnaissent provisoirement les Réunions effectuées par Louis XIV). Le retournement décisif contre Louis XIV se produit lors de la guerre de succession palatine[26]. L'invasion et l'incendie du Palatinat à deux reprises (1689), les dévastations des campagnes et les destructions de plusieurs villes (Spire, Worms, Mannheim, Heidelberg) font de Louis XIV aux yeux des contemporains un agresseur, dénoncé comme l'« Attila français Il dresse par ses propres actes un front commun de presque toute l'Europe contre lui[27]. [...]
[...] La guerre dite de la Ligue d'Augsbourg fut déjà à la fois une guerre européenne et une guerre coloniale, menée aux quatre coins du monde: le roi déchu Jacques II débarqua, sur des bateaux de la flotte française, en Irlande (1689-1690; battu, il rentre en France). La plus grande partie de la flotte française, à l'apogée de sa force, fut détruite en 1692 (par une tempête après la bataille à La Hougue). Des combats navals furent menés au large du Portugal et devant Smyrne. La guerre s'étendit aux colonies : aux Antilles (1697), à l'Amérique du Nord (guerre anglo-française: King William's War) ainsi qu'aux colonies dans l'Inde. [...]
[...] Dès 1693, Louis XIV commence des pourparlers avec les différents adversaires. La paix de Ryswick (1697) constitue un sévère revers pour la France. Elle perd la plupart des territoires réunis (tout ce qu'il possédait sur la rive droite du Rhin ainsi que la principauté de Montbéliard)[32], à l'exception de Strasbourg et quelques autres territoires (Sarrelouis, Longwy, Lauterbourg et Germersheim). Mais l'intégration de fait de l'Alsace dans le royaume de France est juridiquement confirmée. La Lorraine est rendue à son duc (avec un droit de passage pour les Français entre Metz et l'Alsace), le Luxembourg restitué aux Espagnols. [...]
[...] L'adhésion des autres puissances à la Ligue d'Augsbourg fut la réponse à ce chantage. L'urgence du problème de succession s'explique par la naissance d'un fils de Jacques II en 1688, baptisé catholique; Le Parlement protestant avait accepté un roi catholique sous prémisse de la succession de Marie, l'épouse de Guillaume d'Orange. Lorsque ce dernier, pour faire valoir les droits de succession de Marie, débarque à Torbay, en 1688, et avance, appelé par les deux partis du parlement, sur Londres, le roi Jacques II est obligé de se réfugier en France. [...]
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