L'époque des Lumières est placée sous le signe de l'influence française. Même si la thèse d'une « Europe française » est fortement critiquée (cf. P.-Y. Beaurepaire), la place de la France dans les circulations culturelles européennes doit cependant être interrogée, sans être minimisée.
I) Une Europe française ?
La France dispose d'un rayonnement artistique incontestable à travers surtout l'architecture et l'urbanisme. On sait que le palais de Versailles a été copié à par d'autres souverains. Des architectes français travaillent à l'étranger, tel Le Blond à Saint-Pétersbourg sous le règne de Pierre Ier. La France n'exerce cependant pas dans ce domaine une influence écrasante. Si l'on reprend l'exemple pétersbourgeois, des architectes italiens ont également exercé leurs talents en Russie, en particulier sous le règne de l'impératrice Elisabeth Petrovna.
Mais c'est surtout grâce à l'utilisation de sa langue que l'influence française s'exerce au-delà des frontières et s'accroît au cours de la période. Elle devient une langue de culture internationale, pratiquée par les élites, notamment au sein de la noblesse.
[...] Les salons contribuent fortement sur le plan mondain et culturel au prestige et à l'attractivité de la capitale française. Le monde des Lumières est en effet associé à celui des salons parisiens, eux-mêmes associés à des figures féminines et à des hommes de lettres célèbres. Le phénomène des salons français connaît une première phase brillante dans la première moitié du XVIIe siècle, avec celui de Madame de Rambouillet puis se prolonge au milieu du siècle dans le phénomène de la préciosité, avant d'être éclipsé par le rayonnement de la Cour de Versailles. Il renaît à la fin du XVIIe siècle (au début de la période du programme) et acquiert une grande renommée qui culmine dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les plus connus sont :
Celui de la duchesse du Maine, petite-fille du Grand Condé, qui forme la « Cour de Sceaux » au tout début du XVIIIe, fréquentée entre autres par Fontenelle. Il renaît en 1720 pendant la Régence : on y rencontre Fontenelle, Voltaire (1746-1750-) qui y a composé Micromégas, Zadig. La duchesse meurt en 1753.
[...] C'est par le biais des diplomates surtout que les étrangers de passage à Paris essaient de se faire accepter dans les salons. Paris est un lieu de voyage très attractif, en raison du prestige international de la mondanité parisienne. Le Comte de Creutz, francophile, ambassadeur de Suède, présente la plupart des nobles suédois. Morellet introduit Beccaria. Stanislas Poniatowski arrive en 1753 avec 5 lettres de recommandation, Edward Gibbon en 1763 avec 14 lettres ! Elles lui permettent d'être reçu chez Mme Geoffrin et chez Helvetius. Mais une fois reçu, il faut savoir plaire pour pouvoir revenir et être à nouveau invité. Certains salons sont cosmopolites, réservant certains diners aux étrangers. (...)
[...] Les différentes régions européennes sont plus ou moins perméables à l'influence du français. Tout au long du XVIIIe siècle, une partie de l'aristocratie suédoise entretient des liens étroits avec la France. En dépit des considérations politiques et militaires, le rôle des despotes éclairés francophiles est évidemment important. Catherine II se fait intermédiaire entre la culture française et la Russie en traduisant elle-même en russe le Bélisaire de Marmontel, mais c'est une médiatrice dont la traduction infléchit le sens initial pour donner une version édulcorée, ne remettant pas en cause le respect dû au pouvoir. [...]
[...] C'est ainsi que Lilti repère une soixantaine de salons, dont une vingtaine vraiment actifs. Bien entendu, la source n'est pas sans présenter des biais, puisqu'elle tend à mettre ne évidence la présence des étrangers. Quoi qu'il en soit, ceux-ci sont effectivement mentionnés. Ce sont d'abord les diplomates étrangers en poste à Paris. Une quinzaine d'entre eux fréquentent en continu les salons. Les usages mondains veulent qu'ils soient des invités permanents des jours (les jours où l'on reçoit toutes les semaines). [...]
[...] Mais ce qui fait la spécificité des salons parisiens, c'est aussi la présence des hommes de lettres, qui fait l'objet d'un chapitre (le 5e de la 2e partie). Lilti s'applique à réfuter vision idéale des salons littéraires défendue par exemple par D. Goodmann. Il le fait en soulignant qu'il est difficile d'identifier des polarités idéologiques. Les encyclopédistes sont reçus chez Mme Geoffrin, Mme d'Enville, le baron d'Holbach, les Necker, Julie de Lespinasse. Chez les La Marck, en revanche, se rencontrent les groupes les plus dévots. Mais des circulations existent des uns aux autres. [...]
[...] L'importance des représentations liées aux salons conduit l'historien à adopter une démarche critique vis-à-vis de celles-ci. Le premier chapitre de l'ouvrage est consacré à une présentation historiographique. Avant les années 1970, prédomine une histoire non universitaire (cf. Sainte-Beuve), au XIXe souvent anecdotique et nostalgique. Depuis les années 1970 les études sérieuses se sont multipliées mais elles abordent les salons selon des axes différents : salons littéraires (M. Fumaroli, B. Craveri) : l'approche est tournée vers une histoire de la conversation, non sans nostalgie à l'égard de l'objet d'étude. [...]
[...] La connaissance du français facilite la diffusion des œuvres des écrivains et savants français, en permettant un accès immédiat sans passer par le biais de la traduction. Les grandes œuvres des Lumières françaises sont lues dans la langue originale. Cette situation linguistique explique par exemple le succès européen de l'Encyclopédie (voir Atlande). Elle facilite également les échanges épistolaires de la France vers le reste de l'Europe. La renommée attachée aux grands hommes les conduit à développer une correspondance importante dans un cadre européen, qui montre leur influence et leur permet de se constituer un réseau international. [...]
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