Si, à l'origine, l'introduction d'esclaves noirs dans les colonies espagnoles et portugaises est motivée par les activités d'extraction minière (autour des « cycles » de l'or en Equateur, de l'argent au Mexique et en Bolivie, du cuivre à Cuba) ; l'augmentation de la main d'œuvre esclave noire, jugée plus résistante et productive pour certaines activités que la main d'œuvre indienne, se produit avec la mise en place du système de la plantation dans la seconde moitié du 17ème siècle : les plantations sucrières, mais aussi les plantations de cacao (Venezuela), de coton, de tabac ou de coca, voient se substituer systématiquement la main d'œuvre esclave aux peones libres. Le système de la plantation est à l'origine de la concentration du travail productif des esclaves, destiné au commerce international. Mais cette croissance exceptionnelle du nombre d'esclaves noirs (dans la seconde moitié du 17ème siècle et surtout au cours du 18ème siècle) rend leur contrôle, par la Couronne, les autorités locales et les maîtres, plus difficile et favorise la généralisation des tentatives de fuite ou de révolte, individuelles ou collectivement organisées, à l'ensemble des colonies. En réalité, ces résistances noires et ces phénomènes de marronage (création de quilombos ou palenques d'esclaves fugitifs) se produisent dès l'arrivée des premiers esclaves noirs, mais l'introduction massive d'esclaves dans la seconde moitié du 18ème siècle donne une nouvelle ampleur au phénomène et accentue la crainte des colons blancs. Afin de maintenir le contrôle social et la stratification raciale nécessaires au rendement économique des colonies, de nouvelles législations sont édictées - les Codes Noirs, que Louis Sala-Molins dans Le Code Noir Espagnol définit ironiquement comme des tentatives pour « codifier les droits de ceux qui n'ont pas de droits » - qui achèvent en réalité un travail de réglementation juridique et commerciale de l'esclavage initié dès les premiers pas des esclaves sur le sol des colonies.
[...] La compréhension des Codes Noirs ne peut faire l'économie d'une contextualisation dans la mesure où ils reflètent les considérations d'ordre anthropologique de l'époque. Les Codes Noirs apparaissent en effet comme l'expression juridique des théories raciales qui affirment la supériorité physique et intellectuelle de l'homme blanc sur l'homme noir, dégénéré et relégué, dès lors, au rang de bien meuble incapable par essence et juridiquement d'accéder à la propriété. L'infériorité raciale de l'homme noir déterminerait alors sa réduction au statut d'esclave. D'autres arguments sont également invoqués pour légitimer la traite des noirs : Louis Sala-Molins évoque ainsi l'épisode de la malédiction de Canaan . [...]
[...] Les Codes Noirs espagnols se caractérisent par l'absence de structuration apparente (Seul le Code Noir Carolin présente une partie identifiée par un titre: Du gouvernement économique des esclaves dans les haciendas qui peut être expliquée par l'accent mis dans ce Code sur la réforme socio-économique de l'agriculture) même si des découpages thématiques sont aisément identifiables : la sujétion des esclaves, la prévention du marronage et la répression de celui-ci (qui occupe la majeure partie des législations). L'originalité du Code Noir Carolin réside dans la prise en considération des Noirs libres et dans l'élaboration d'un projet de société visant à concentrer la propriété foncière et à favoriser la grande exploitation moderne commerciale (pour reproduire la prospérité de Saint-Domingue). [...]
[...] sans nécessité de révoquer afin de calmer la révolte des oligarchies créoles esclavagistes et afin de ne pas créer les conditions favorables à une contagion par la révolution de la colonie de Saint-Domingue de 1791. Dans le contexte international de la fin du 18ème siècle marqué par les premières mesures abolitionnistes, la métropole espagnole tente par tous les moyens de maintenir une institution vouée à disparaître : en édictant les Règlements anachroniques Manuel Lucena Salmoral) pour les colonies de Puerto Rico (1826) et de Cuba (1842), la Couronne espagnole permet de maintenir dans une certaine légalité une pratique devenue presque partout illégale et illégitime. [...]
[...] Pour autant, il est loin d'être un Code produit par la Couronne espagnole. Enfin, le troisième Code Noir espagnol, le Code Noir Carolin achevé en 1784 sous le titre officiel de Code de législation pour le gouvernement moral, politique et économique des Noirs de l'Ile espagnole, fondé à partir des Siete Partidas, des Ordonnances de Santo Domingo du XVI°siècle et de 1768, du Code Noir de Louisiane, des lois de la Recopilacion de las Leyes de las Indias, a pour particularité de légiférer sur les noirs libres (contraints de travailler dans l'agriculture de plantation et dans l'agriculture exportatrice). [...]
[...] Les Codes Noirs espagnols le Code de Santo Domingo (1768), le Code de Louisiane (1769), le Code Noir Carolin (1784) sont explicitement fondés soit sur le modèle du Code Noir français édicté par J-B Colbert en mars 1685 et appliqué la même année dans les colonies antillaises, soit sur la version revue[6] de ce Code appliquée à partir de 1724 dans la colonie (encore française) de la Louisiane. Le Code Noir français compte soixante articles organisant la vie (les déplacements, les besoins alimentaires et vestimentaires, etc.), la mort, les obligations religieuses et les conditions d'affranchissement des esclaves. [...]
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