Ce cours porte sur différentes modalités de circulations internationales dans le champ culturel européen. Nous laisserons de côté les phénomènes de circulation de l'imprimé (périodiques et livres). Il faut cependant garder à l'esprit l'importance du rôle de l'imprimé, la progression du nombre des lecteurs et des publications au cours de la période considérée. La lecture est à l'arrière-plan des vecteurs de circulation que nous allons aborder, qui sont l'écrit manuscrit, et les différentes formes de sociabilité. On écrit pour se recommander des ouvrages, en commander, commenter ses lectures ; on se retrouve pour partager ses lectures, en discuter, en débattre.
La sociabilité est une composante importante des Lumières qui a beaucoup retenu l'attention des historiens, en particulier à partir des années 1970/1980. Le terme apparaît dans l'Encyclopédie en 1765 où elle est définie comme « la bienveillance envers les autres hommes ». Le XVIIIe siècle fait de la sociabilité entendue ainsi, de la bienfaisance, des vertus sociales, une valeur centrale. Cette promotion de la sociabilité dans ce sens normatif va de pair avec la multiplication de « sociétés », les unes fonctionnant selon un modèle ancien (par exemple religieux), les autres selon un modèle tout à fait nouveau. Ces « sociétés » des Lumières réunissent des individus qui partagent un même centre d'intérêt abstrait, et notamment les mêmes intérêts intellectuels. Pour les hommes des Lumières le plus fort des liens sociaux c'est le savoir. Il s'agit là d'un des traits dominants de la sociabilité des Lumières, qui peut aussi recouvrer une dimension supplémentaire, telle la convivialité, présente aussi bien dans les cafés que dans les salons. Dans ces sociétés d'un type nouveau, les individus s'engagent librement, sans obligation, et sont censés être mis sur un même pied d'égalité. Ils communiquent entre eux, soit à distance via l'écriture, soit directement par la conversation. Ces sociétés qui prennent différentes formes sont pour certaines d'entre elles des vecteurs des circulations internationales, en diffusant à l'échelle européenne de nouvelles formes de comportement et de pratiques sociales, en diffusant des savoirs, des opinions, des valeurs élaborés ailleurs, en s'insérant dans des réseaux internationaux.
La notion de réseau a d'abord été utilisée en histoire pour ses aspects économiques (routes, ports) qui portent sur des réseaux matériels, avant d'être reprise largement dans le domaine de l'histoire sociale, en suivant en cela les travaux des sociologues (...)
[...] La renommée attachée aux grands hommes les conduit à développer une correspondance importante dans un cadre européen, qui montre leur influence. Ils reçoivent en effet de nombreuses missives d'admirateurs et leur réputation leur permet d'entrer en contact avec de nombreuses personnes. Le fait d'avoir correspondu avec Voltaire, par exemple, devient un titre de gloire. Ils utilisent la correspondance pour se construire un réseau international. Diderot a une centaine de correspondants, Montesquieu plus du double. Les cas de Voltaire et Rousseau, dont les correspondances complètes sont éditées, sont bien connus et étudiés. [...]
[...] Sa correspondance montre qu'il est inséré dans des réseaux multiples : familiaux, cévenols, protestants, maçonniques, d'hommes de lettre. Les correspondances internationales peuvent donc concerner des échanges entre compatriotes, les uns restés au pays, les autres vivant au loin, ou des échanges entre étrangers. Pour le premier type, la correspondance peut s'effectuer sans difficulté dans la langue natale. Pour le second, il convient de disposer d'une langue commune. On utilise encore le latin parfois, l'italien aussi, langue de cour à Vienne. [...]
[...] Il a un cabinet, des collections, des livres. Académicien, il appartient à une dizaine de sociétés en France mais aussi en Italie. On lui connaît plus de 300 correspondants. Parmi eux de Français, dont plus de la moitié appartiennent à la France méridionale et 1/3 d'étrangers. À l'échelle européenne, le tropisme méditerranéen reste fort : il concerne environ 60 correspondants, dont 54 en Italie (où il a séjourné) et 9 en Espagne. Une cinquantaine de correspondants sont issus du nord de l'Europe : Angleterre 20, Europe du nord et de l'est Provinces-Unies Suisse Allemagne 15 (voir carte). [...]
[...] Les femmes n'en sont pas absentes, mais elles sont beaucoup moins présentes que les hommes, beaucoup plus nombreux dans les populations concernées. On peut évoquer l'exemple de Madame d'Épinay qui a correspondu notamment avec Grimm, et avec l'abbé Galiani, diplomate napolitain. La correspondance de La Beaumelle (1726-1773), analysée dans La plume et la toile, et actuellement en cours de publication, peut constituer un exemple d'une correspondance à dimension européenne émanant d'un personnage représentatif de son temps sans en être une star Protestant cévenol issu d'une famille bourgeoise, Laurent Angliviel part à Genève pour suivre des études de théologie. [...]
[...] Il existe en Europe depuis le XVIe siècle des postes qui se chargent du transport des courriers et qui s'améliore au XVIIIe siècle, en efficacité et en rapidité, ce qui permet de faire baisser les coûts. En France la poste est royale ; dans le Saint-Empire elle est placée sous la tutelle de la famille Thurn und Taxis. Cependant le réseau des postes couvre de manière inégale l'espace européen, et la rapidité du courrier est toute relative. Bruxelles, par exemple, est bien desservie, alors qu'à Prague ( habitants) il n'y a qu'un seul bureau de poste et un seul facteur. [...]
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