La grâce désigne la thérapie qui délivre l'homme soumis à un sentiment diffus de culpabilité. Charis (‘qui réjouit' en grec) traduit le terme hébreu Chén signifiant l'œuvre de la miséricorde divine qui redonne une chance au pécheur. Il est possible de présenter l'histoire de l'Eglise comme un combat pour affirmer la gratuité de la grâce. C'est le sens par exemple du heurt majeur entre le judéo-christianisme de Pierre et la mission universaliste de Paul pendant la période apostolique. On s'interrogera ensuite sur la place de cette grâce dans la destinée spirituelle de l'individu et de son rapport avec le libre-arbitre. Pélage et ses disciples vont affirmer en substance que l'homme seul est responsable de sa destinée spirituelle. Ces thèses vont provoquer l'ire d'Augustin, car celles-ci seraient lourdes de conséquences pour l'ensemble du dogme catholique.
Augustin occupe une place primordiale dans ce débat. L'itinéraire personnel de l'évêque d'Hippone témoigne d'une attitude particulière vis-à-vis du problème de la grâce (qui déborde sur la question du libre arbitre, du péché originel et de la prédestination). Son engagement dans la controverse va permettre d'établir l'orthodoxie. Comment l'expérience personnelle d'Augustin l'a-t-elle conduit à aborder et à enrichir le problème de la grâce ? Dans quelle mesure la vie d'Augustin est-elle intrinsèquement liée aux conceptions qu'il développera lors de la controverse pélagienne ?
On montrera tout d'abord que toute l'histoire personnelle d'Augustin le ‘prédestine' plus que tout autre à s'interroger sur le problème de la grâce : Augustin a péché et a bénéficié de la miséricorde de Dieu. C'est le pélagianisme qui va lui permettre d'exposer et d'approfondir sa conception sur la grâce et ainsi de marquer son époque. Ses thèses seront reprises, forcées, récupérées et maltraitées par de prétendus disciples au cours de controverses postérieures.
[...] Enfin Augustin utilise son talent de rhéteur et son expérience d'évêque. Enfant, il était déjà soucieux de l'emporter sur les autres. Cet orateur passionné crée des remous passionnels dans l'auditoire quand il affronte Pélage. Il marie une grande maîtrise des textes à une subtilité dialectique de leur interprétation. IL s'écarte volontairement de l'ancienne rhétorique qui visait à polir le discours, à faire du discours pour le discours, pour s'attacher à la transmission de son message, à l'immédiateté de sa compréhension. [...]
[...] Selon Augustin, le chrétien même baptisé reste infirme. Il décrit la vie de l'homme comme un processus de guérison : blessé jadis, il sera guéri dans un lointain futur. La liberté ou encore la plus grande liberté pour reprendre son expression est le résultat de cette guérison. Les pélagiens insistent sur la responsabilité de l'homme dans les choix qu'il est porté à faire. Augustin estime que la connaissance n'est pas le seul critère de choix : les sentiments jouent aussi. [...]
[...] D'après Prosper, augustinien strict, l'homme est incapable de vouloir le bien. Dans La vocation de toutes les nations, il propose une solution pour concilier la volonté universelle de salut de Dieu et la damnation d'un grand nombre. Il s'éloigne cependant d'Augustin sur la prédestination. Ce dernier la concevait ante praevisa merita absolue, décisoire et discrétionnaire, alors que Prosper distingue la prédestination du salut de celle de la perdition. Les écrits de l'évêque Faust de Riez relancent la polémique vers 470. [...]
[...] Augustin durcit sa conception lors de la polémique avec Julien d'Eclane. Ses propositions dépassent peut-être même son intime conviction. Le débat s'est entre temps déplacé de la nécessité de la grâce, qui fait désormais l'unanimité, à la part que l'on reconnaît à l'initiative de l'homme. En 427 Florus, moine d'Hadrumète visite la bibliothèque d'Evodius à Uzalis. Il rapporte à sa communauté monastique la Lettre 194 d'Augustin au prêtre Sixte. Celle-ci déclenche une salve de protestation. En effet, la lettre remet en cause l'attitude des moines car si tout dépend de Dieu, alors les hommes sont voués à l'incertitude. [...]
[...] Augustin tente de répondre point par point à Pélage. Dans l'Epître aux Romains, il est dit : de même que c'est par un seul homme que le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, de même la mort a passé dans tous les hommes parce que tous ont péché Pour Pélage, les hommes pêchent par imitation. Augustin a une lecture plus subtile : Paul ne peut vouloir dire qu'Adam est le premier pécheur, puisque c'est le Diable qui fut le premier pécheur : le péché entre donc dans le monde par transmission et non par imitation. [...]
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