Francesco Carletti, commerce des esclaves, Amériques, esclavagisme, Espagne, géopolitique, traite des esclaves, témoignage historique
Si cette période marque, en effet, l'apogée de l'Espagne dans les relations commerciales de l'Europe avec le reste du monde, elle signe également la toute-puissance d'un Empire hispanique régnant sur le Vieux Monde comme sur le Nouveau. Nous avons, ici, un extrait de récit de voyage, intitulé Voyage autour du monde (1594-1606), rédigé par Francesco Carletti, marchand italien et trafiquant d'esclaves, premier explorateur à effectuer un tour du monde commercial, et s'adressant au Grand-Duc Ferdinand 1er de Médicis, auprès duquel il fut rappelé en 1606 et en devint conseiller puis diplomate. Nous pouvons, dès lors, nous interroger sur la portée et les visées réelles de ce témoignage historique. En effet, dans quelles mesures ces lettres constituent-elles un document historiographique significatif et précieux sur la période considérée ?
[...] Voyage autour du monde - Francesco Carletti (1594-1606) - Le commerce des esclaves en Amérique espagnole vu par un marchand Italien « Partis chercher de l'or en Afrique au XVIe siècle, les explorateurs espagnols et portugais y découvrirent ce qu'ils considérèrent bientôt comme une marchandise plus précieuse encore : les êtres humains ».1 Si cette période marque, en effet, l'apogée de l'Espagne dans les relations commerciales de l'Europe avec le reste du monde, elle signe également la toute-puissance d'un Empire hispanique règnant sur le Vieux Monde comme sur le Nouveau. [...]
[...] Nous apprenons ainsi le rôle de Carthagène apparaissant comme une « plaque tournante » du trafic déversant, ensuite, les esclaves vers Saragosse ou d'autres endroits des Indes réputés prometteurs de richesses. Ce texte authentique présente donc l'avantage d'être informatif et précis sur les usages réels du commerce d'esclaves à la fin du XVIe s. Cependant, s'agissant d'un témoignage oral puis écrit, bien que factuel, nous percevons les marques d'un regard « étranger » sur les coutumes espagnoles. Ces lettres transcrivent en effet, avec sincérité, les sentiments de ce commerçant italien, autorisé seulement par la Casa de Contractation à officier sous bannière espagnole. [...]
[...] Or, quel est le rôle réel de ces lettres rapportées à un grand Prince italien ? Ne s'agit-il pas pour le commerçant-voyageur d'espionner et de rendre compte des us et coutumes de la Couronnede Castille? N'oublions pas que, si l'Espagne domine incontestablement le monde, cette période marque, néanmoins, l'avènement et l'enchevètrement de grands échanges notamment artistique entre l'Espagne et l'Italie vassalisée3- Ferdinand 1er est un écclésiastique possédant du sang espagnol par sa mère- l'Italie ne pouvant guère se prémunir, à l'image de toute l'Europe du XVIe d'un sentiment de rivalité et d'envie de la richesse et domination commerciale espagnoles. [...]
[...] Rappelons que nous sommes ici, un siècle après son commencement, à l'apogée du trafic d'esclaves du Cap-Vert vers les colonies d'Amérique. Ce récit offre, en outre, un éclairage exceptionnel sur le fonctionnement et l'organisation réelle de ce trafic, émaillé de détails très concrets quant à ses usages. Nous noterons, notamment, le récit qui est fait étapes préalables à l'achat d'esclaves et de l'obsession du marchand pour les « dépenses »: de la négociation financière en passant par le choix puis le contrôle de «conformité» physique et la réalisation des attestations indispensables au voyage, des nombreuses taxes imposées par le Couronne « de la licence royale » et « du droit de sortie », sans oublier le récit du «marquage » des esclaves réalisé par chaque «maitre» à l'aide d'un sceau d'argent à vif dans ou sur la peau. [...]
[...] Ces lettres contiennent, donc, bien en germe des éléments de critiques, témoins d'un monde qui, hors les murs, se retrouve peu à peu remis en question. BIBLIOGRAPHIE : - 1 Le Commerce des esclaves de James Walvin, « Géo », DL - 2 L'essor de l'empire espagnol d'Amérique de Salvador de Madariaga, Albin Michel,(18/11/1955). - 3 Conférence : « Les interactions entre l'Espagne et l'Italie au tournant des XVIe et XVIIe siècles » par Guillaume Kientz (Paris avril 2016) . [...]
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