Le texte qu'il s'agit ici de commenter offre un résumé saisissant des grandes idées directrices de la pensée de Bodin. Celui-ci, esprit éclectique s'il en est, a publié un nombre important de travaux sur les sujets les plus variés : le droit, l'Histoire, l'économie (il est l'un des premiers défenseurs des théories mercantilistes en France), la religion, et même l'astrologie et la sorcellerie (il publie notamment, en 1580, un traité intitulé "De la Démonomanie des sorciers").
Ce sont cependant les "Six livres de la République " (1576) qui constituent son oeuvre majeure. Dans cet ouvrage, il étudie le concept de "République", qui est à rapprocher de celui "d'État " au sens moderne, et il y associe la notion de "souveraineté ". Ces idées sont à replacer dans leur contexte : la France se trouve alors déchirée par les guerres de Religion, qui, entrecoupées de périodes de paix, durent de 1562 à 1598. Bodin appartient au parti des "Politiques", qui souhaite dépasser le conflit entre catholiques et protestants, en réunifiant le pays autour de la figure du Roi. Son travail va permettre de fournir une assise théorique solide à cette positon.
[...] Il y a donc chez lui, en germe, une conception de la séparation entre la vie privée et la vie publique. - La famille, pour Bodin, est le groupe humain constitué autour de l'autorité du chef de famille. En effet, avant l'apparition de la République, selon lui, "chaque chef de famille était souverain en sa maison, ayant puissance de la vie et de la mort sur la femme et sur les enfants Bodin présente en effet une conception assez extrême de l'autorité du chef de famille, et considérera même que les Romains ont été trop laxistes sur ce point. [...]
[...] La Souveraineté, "puissance a bsolue et perpétuelle d'une République " - Le second élément constitutif de la République est la "puissance souveraine " qui s'y exerce. - Bodin écrit : "Il est ici besoin de former la définition de souveraineté, parce qu'il n'y a ni jurisconsulte, ni philosophie politique qui l'aient définie Il va donner une définition précise à un concept qui est alors en plein essor. On assiste en effet à cette époque à la phase finale de ce qu'Olivier Nay appelle, dans son manuel d'histoire des idées politiques, le passage "du principe de suzeraineté à l'idée de souveraineté " : la suzeraineté, vestige de l'époque féodale, consistait dans le partage du pouvoir en une hiérarchie complexe de seigneurs locaux remontant jusqu'au Roi, lequel ne pouvait avoir d'autorité que sur ses vassaux indirects ; peu à peu, le renforcement progressif du pouvoir royal par les Capétiens puis les Valois impose l'idée d'une autorité du Roi qui transcende celle des seigneurs et de tous les sujets de manière générale. [...]
[...] Les restrictions envisagées au pouvoir du Prince - Bodin n'admet pour limite à la souveraineté absolue du Prince que deux catégories de règles. - ) quant aux lois divines et naturelles, tous les Princes de la terre y sont sujets, et n'est pas en leur puissance d'y contrevenir, s'ils ne veulent être coupables de lèse-majesté divine Le Roi, qui, dans la France d'ancien régime, tient son pouvoir du fait qu'il est "lieutenant de Dieu sur terre ne peut évidemment s'affranchir de celui dont il n'est en quelque sorte que le représentant. [...]
[...] Il diffère en cela de la pensée de Machiavel qui lui est contemporain et avec lequel il est souvent mis en parallèle ; Machiavel, en effet, a une conception plus individualiste. Pour Bodin, en revanche, le rapport ne se fait pas entre les individus et l'État, mais entre les familles et l'État. - De fait, la famille apparaît toujours, dans la pensée de Bodin, comme une sphère relativement autonome par rapport à l'État, avec sa propre organisation. Comme par ailleurs Bodin défend la propriété privée, il estime que les pouvoirs de l'État s'arrêtent à la famille et à la propriété. [...]
[...] Son travail va permettre de fournir une assise théorique solide à cette position. Dans l'extrait ici présenté, Bodin montre comment, selon lui, la République repose sur la souveraineté du Prince, souveraineté qu'il conçoit comme indépendante de la personne de celui-ci. Pour analyser sa réflexion, il convient de s'intéresser en premier lieu à la définition qu'il donne des concepts de "République " et de "Souveraineté " ; il sera alors possible de voir en quoi ces notions sont utilisées, chez lui, comme le socle de l'une des premières et principale théorie de l'absolutisme qui ait été formulée en France (II). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture