Alexandre Humboldt (1769-1859) est né à Berlin dans une riche famille de l'aristocratie prussienne. L'extrait qui nous est présenté est issu du Traité politique de la Nouvelle-Espagne, une des sept parties de l'œuvre Voyage aux régions équinoxiales du nouveau Continent écrit entre 1799 et 1804. Cette partie constitue la première étude d'économie politique que l'Europe possède sur l'Amérique.
Il semble alors nécessaire pour comprendre les enjeux majeurs du texte de revenir sur quelques points de contexte : en 1531 les troupes de Francisco Pizarro débarquent sur le territoire de l'actuel Pérou. La domination inca s'étendait alors du nord de l'équateur à l'est du Chili. Pizarro, profitant de l'affaiblissement de l'empire par des guerres civiles captura et fit exécuter en novembre 1532 l'empereur inca Atahualpa. Avec le système de l'encomienda, les Espagnols mettent en place une certaine « mise au pas » de la société, cependant en tant que gouverneur du Pérou, Pizarro et ainsi tous les conquistadores qui se voient attribuer des pouvoirs quasi illimités sur les Amérindiens abusent du système et répriment fortement les maigres tentatives de résistance. En 1542 Charles Quint institue la vice-royauté du Pérou pour administrer la majeure partie de l'Amérique du Sud et des lois furent promulguées, afin de tenter de protéger les indigènes des violences de l'exploitation des conquistadores.
L'exploitation des mines des Andes fit du Pérou l'une des premières sources de richesse pour l'Espagne cependant à partir de 1630 s'amorce une phase de déclin, à lier à l'épuisement des mines d'or et aux révoltes des autochtones. En 1701, les Bourbons succèdent aux Habsbourg à la tête du Royaume d'Espagne et entreprennent la mise en place d'un plan de réforme afin de relancer l'économie et d'exercer un contrôle politique plus rigoureux sur les colonies. Désormais, aux anciennes charges comme la mita, s'ajoutent de nouvelles impositions, et de nouveaux critères de recensement pour pallier la chute démographique sont mis en place.
Cette pression fiscale et sociale suscite une hostilité de plus en plus visible de la population indigène vis-à-vis de ses dirigeants.
Au XVIIIe siècle, les révoltes de paysans indigènes menés par des caciques sont de plus en plus fréquentes. En 1725, Antiner prend la tête des communéros au Paraguay et la révolte péruvienne de 1740 pousse ses ramifications à travers l'Amérique du Sud. En 1750 l'affaire rebondit, exploitée par l'Angleterre. En 1780, 60 000 autochtones, sous la conduite de José Gabriel Condorcanqui qui adopte le nom de Túpac Amaru, se révoltent contre l'autorité espagnole. L'insurrection fut écrasée en 1781 et Túpac Amaru fut exécuté.
On se demande ainsi en quoi la révolte de Túpac Amaru II constitue une rébellion contre les abus des autorités espagnoles, mais aussi en quoi elle s'inscrit dans un climat général de rébellion. De plus, en quelle mesure, vingt ans plus tard, la révolte de 1780-1781 est-elle devenue, la révolte de Túpac Amaru, faisant entrer José Gabriel Condorcanqui dans la légende ?
[...] Il est vrai qu'en 1776, José Gabriel Condorcanqui déposa une pétition formelle pour qu'un titre espagnol de noblesse lui fût accordé, mais aussi pour que les Indiens fussent libérés du travail obligatoire dans les mines, et dénoncer le comportement abusif du représentant royal local, le corregidor Antonio de Arriaga. José Gabriel ne recevra jamais de réponse. Le 4 octobre 1780, une émeute éclate et José Gabriel en prend la direction sous le nom de Tupac Amaru II. Capturé, Arriaga est mis à mort au nom du roi L'esclavage, les corregidores et la mita sont abolis, les obrajes saccagés. [...]
[...] On peut se demander si la révolte de 1780-1781 aurait eu une telle ampleur si elle avait été menée par un simple cacique. Dès lors, il semblerait que la popularité de la révolte et même sa postérité soient liées à la figure de Túpac Amaru. Il semble ainsi intéressant de se pencher sur ce qui fonde une telle popularité. D'une part la généalogie, Alexandre Humboldt semble douter du fait que José Gabriel descende réellement de l'Inca Túpac Amaru Ier, le qualifiant de soi-disant Inca (l47). [...]
[...] Malgré le fait que la Couronne ait interdit l'utilisation des Indiens comme esclaves, les Espagnols souhaitent avoir des domestiques et s'appuient donc sur le système du yanaconaje. Les yanaconas sont des Indiens qui décident de quitter leurs villages pour vivre avec leurs maitres dans les villes. Ce système engendre des dépendances cependant, au contact des Espagnols, les yanaconas s'instruisent, ils s'installent aux abords des villes et forment ainsi les premières communautés métisses. Dès lors on assiste à l'émergence de divisions sociales à l'intérieur de la société indigène. En effet, la société coloniale péruvienne est stratifiée en couches sociales pyramidales recouvrant les distinctions raciales. [...]
[...] Enfin, on lit que le soi-disant inca avait inspiré un grand respect aux indigènes qui ( ) se prosternèrent en présence du dernier fils du soleil (l.47-49) alors que ce dernier va être supplicié. Ce fait témoigne de la force avec laquelle le peuple croit alors en Túpac Amaru II et lui est fidèle. D'autre part, on remarque que l'auteur prend en compte la crainte des autorités que se mette en place une révolte de conscience de classe, Ces mêmes Indiens ( ) se montrent astucieux, actifs, courageux et cruels chaque fois qu'ils agissent ensemble dans une émeute populaire (l. [...]
[...] La révolte de Tupac Amaru vue par Alexandre Humboldt Le 3 octobre 1968, des militaires péruviens dirigés par le commandant Juan Velasco Alvarado renversent le président Fernando Belaunde Terry et instaurent un régime aux accents nationalistes. Donnant ainsi un visage indien à la junte, Velasco Alvarado se réclamait des ancêtres de Túpac Amaru, rendu célèbre pour avoir mené la révolte de 1780 contre l'oppression espagnole qui sévissait alors au Pérou, et qui nous est rapportée ici par Alexandre Humboldt. Alexandre Humboldt (1769-1859) est né à Berlin dans une riche famille de l'aristocratie prussienne. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture