Noblesse d'Ancien Régime a longtemps été associée, le plus souvent avec raison, à richesse. Le second ordre abritait en effet quelques-unes des plus grandes fortunes du royaume, qui disposaient de revenus d'origine variée : propriété foncière, rente ou encore développement d'activités lucratives par le biais de la Cour (pensions et offices, investissement dans les affaires royales..). C'est ainsi qu'il semble bien étonnant, en consultant la Correspondance des Contrôleurs généraux des finances sous Louis XIV, d'y voir déploré, par des nobles, la peur de « mourir de faim » ou la nécessité d'« aller mendier ».
Ainsi, depuis quelques années, l'étude approfondie des sources a conduit l'historiographie, avec des auteurs tels que Michel Nassiet notamment, a prendre en compte l'hétérogénéité du second ordre et notamment l'existence en son sein d'une noblesse en réelle difficulté financière à partir du XVIIe siècle. La « lettre de M. de Couladère au Contrôleur général des finances » du 12 août 1709 nous offre une illustration édifiante de la situation précaire d'une noblesse rurale (ici dans le Toulousain) très dépendante de la conjoncture, à la fin du règne de Louis XIV. Outre l'analyse des causes de cette paupérisation, il faut d'emblée s'interroger sur les conséquences qu'elle engendre sur la notion même de noblesse. L'idéal chevaleresque prônant générosité et désintéressement des biens matériels, la noblesse de la fin du XVIIe siècle se trouve en tension entre son devoir moral et la réalité de sa situation, avec comme menace suprême la dénaturation de l'éthos nobiliaire. Si la situation économique décrite dans ce texte semble structurellement fragile, elle devient une fois renforcée par une conjoncture néfaste, un véritable danger pour la pérennité du modèle nobiliaire.
[...] La situation atteint son comble dès lors que la médiocrité des rendements pousse les métayers à quitter leur propriétaire, tel que c'est le cas ici. Ils nous quitteront, comme ils nous en menacent déjà Instabilité économique et inertie agricole semblent donc caractériser le système de métayage. II. Une économie mise à mal par la conjoncture Ces données structurelles laissent entrevoir une certaine dépendance à la conjoncture économique. La situation devient rapidement critique dès lors que celle-ci est néfaste, ce qui est clairement le cas en 1709. A. Une succession de mauvaises récoltes Au moment où il écrit au Contrôleur général des finances, M. [...]
[...] de Couladère est dans une posture délicate. Les aléas météorologiques enchainés sur une courte période ont détruit bon nombre des récoltes. Il fait allusion à un grêle importante le 17 mai 1708, à un grand froid durant l'hiver suivi d'un grand déluge avec grêle le 9 juin 1709 puis d'un grand chaud En effet, l'année 1709 est marquée par le Grand Hiver» notamment, qui constitue l'un des épisodes climatiques les plus destructeurs du règne de Louis XIV, avec la Famine de l'avènement et la crise de 1693-1694. [...]
[...] Cette donnée a des répercussions sur les carrières des fils, dont le père ne peut survenir à leurs besoins : l'un doit se retirer de la compagnie des mousquetaires, l'autre quitter le séminaire nous n'avions plus de quoi payer sa pension Ainsi, l'organisation économique présentée ici nous apparait très précaire : elle ne dispose d'aucune marge de manœuvre, ce qui la rend, nous le verrons plus tard, complètement dépendante de facteurs conjoncturels. C . à la merci d'un système ingrat : le métayage Ce phénomène est accentué par le mode d'exploitation du sol ici utilisé. Là encore, l'exemple de M. de Couladère est assez caractéristique de la petite noblesse de province. Interdits de travail, les nobles confient l'exploitation agricole à un subalterne, qui à son tour peut embaucher des journaliers au sein de la paysannerie. [...]
[...] de Couladère au Contrôleur Général des finances, écrite de Justiniac en 1709 Introduction Noblesse d'Ancien Régime a longtemps été associée, le plus souvent avec raison, à richesse. Le 2nd ordre abritait en effet quelques-unes des plus grandes fortunes du royaume, qui disposaient de revenus d'origine variée : propriété foncière, rente ou encore développement d'activités lucratives par le biais de la Cour (pensions et offices, investissement dans les affaires royales . C'est ainsi qu'il semble bien étonnant, en consultant la Correspondance des Contrôleurs généraux des finances sous Louis XIV, d'y voir déploré, par des nobles, la peur de mourir de faim ou la nécessité d'« aller mendier Ainsi, depuis quelques années, l'étude approfondie des sources a conduit l'historiographie, avec des auteurs tels que Michel Nassiet notamment, à prendre en compte l'hétérogénéité du 2nd ordre et notamment l'existence en son sein d'une noblesse en réelle difficulté financière à partir du XVIIe siècle. [...]
[...] Cependant, pour en saisir pleinement son sens, il faut la replacer dans le contexte idéologique et moral de cette fin de XVIIe siècle. Plus qu'une donnée strictement économique, la paupérisation est éminement problématique dès lors qu'elle met en péril ce qui constitue l'éthos de la noblesse. A. L'idéal nobiliaire En effet, sous Louis XIV, la noblesse demeure bien plus qu'une catégorie socio-économique. Elle s'accompagne d'un véritable imaginaire et d'une idéologie hérités du Moyen Age, relayés par la littérature et exaltés par le pouvoir royal. [...]
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