Dans cet extrait intitulé L'Europe française, Lous-Antoine Caraccioli, contemporain du XVIIe siècle, dépeint l'influence qu'exerce la France sur ses voisins européens durant le Siècle des Lumières. L'auteur dresse un véritable éloge de la civilisation française, dont la prééminence n'épargne aucun domaine : l'hégémonie française concerne aussi bien l'intelligentsia, la culture du progrès, la morale, la langue, la littérature, l'art, les moeurs, les raffinements de la mode et de la cuisine... Bref, Caraccioli met en exergue les différentes composantes qui accélèrent le processus de francisation de l'Europe au XVIIIe siècle. Néanmoins, il convient de prendre en considération la part de subjectivité qui caractérise cette vision grandiose de la France des Lumières, un portrait arbitraire qui pousse Caraccioli à occulter les résistances au modèle culturel français et, mieux, à établir une analogie hardie entre l'hégémonie de l'Empire romain et la France du XVIIIe siècle.
Dès lors, on peut se poser la question suivante : dans quelle mesure peut-on parler d' "Europe française" au XVIIIe siècle ?
[...] Des idées nouvelles émergent qui concernent à la fois la politique et la religion. Rousseau écrit à propos des salons On y parle de tout, pour que chacun ait quelques choses à dire La critique des préjugés, la remise en cause de la tradition, le refus du dogmatisme font partie des thèmes abordés dans les salons. Des philosophes, des savants, des artistes, des magistrats et de grands seigneurs s'y rencontrent L25 pour le plaisir de s'humaniser en toute liberté L33. [...]
[...] Par delà la langue et la littérature, on vise l'esprit français rationaliste et antiromantique. En somme, Caraccioli montre bien que l'expansion du français s'est heurtée en Italie et en Angleterre à la résistance de l'orgueil national. On peut donc parler d'une véritable réaction anti-française. C'est l'Angleterre qui bénéficie plus tard de cette hostilité croissante : l'anglomanie succèdera à la gallomanie. Enfin, si Caraccioli prétend que le XVIIIe siècle est un siècle français, d'autres historiens affirment que c'est celui de l'Angleterre. [...]
[...] Les maîtres tailleurs français fournissent des tenues qui diffèrent du costume versaillais avec ses rubans, ses plumes et ses surcharges. Des poupées mannequins sont envoyées dans toute l'Europe afin de promouvoir les nouvelles tendances. De même, l'influence française ne se reflète pas seulement dans l'art de se vêtir. Elle concerne également les arts de la table. L30 Il n'y a qu'une seule table ( ) dîner L'utilisation de la fourchette se généralise et l'art de bien manger fait partie du savoir-vivre à la française. LAC insiste sur l'aspect socialisateur du dîner où l'art de la conversation est de mise. [...]
[...] The Courts of Europe's Dynastic Rivals, 1550-1780, Cambridge ELIAS Norbert, La Société de cour, Paris FERRONE Vincenzo et ROCHE Daniel (dir.), Le monde des Lumières, Paris MANDROU Robert, L'Europe absolutiste. Raison et raison d'Etat, 1649-1775, Paris NEWTON William Ritchet, L'espace du roi. La cour de France au château de Versailles, 1682-1789, Paris PINOL Jean-Luc (dir.), Histoire de l'Europe urbaine, Paris POMEAU René, L'Europe des Lumières : cosmopolitisme et unité européenne, Paris SABATIER Gérard, Versailles ou la figure du roi, Paris VAN DAMME Stéphane, Paris capitale philosophique, de la Fronde à la Révolution, Paris, 2005. [...]
[...] Ainsi Caraccioli évoque aux lignes 33-34 quelques disputes littéraires sans aigreur L'auteur considère que même réduites à elles-mêmes les grâces et les folies sociales des Français ont le pouvoir de dégeler l'endurcissement des cœurs Caraccioli évoque à la ligne 26 le plaisir de s'humaniser ; c'est la raison pour laquelle il fait une telle apologie des mœurs françaises : son but ultime est de faire gagner l'humanité sur l'humanité Les résistances à la diffusion de la culture et des mœurs françaises : occultation ou ignorance de la part de l'auteur ? Lorsque Caraccioli parle de l'Europe française, il ne vise nullement à présenter une apologie de sa patrie d'adoption. En bon citoyen il se défend de vouloir rabaisser les autres pour élever les Français sur le pavois. Il se borne à constater l'hégémonie culturelle de la France de son temps. Il écrit ainsi : on reconnaît toujours une nation dominante qu'on s'efforce d'imiter. [...]
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