Ce développement de nouvelles idées fragilisant les institutions traditionnelles, il est la cause du conflit intellectuel qui traverse le XVIIIe siècle, et qui, au travers de la censure et des pressions multiples de la part des autorités, forme le contexte parution de l'Encyclopédie. On comprend ainsi d'autant mieux son assez faible diffusion, ne dépassant par les 25000 exemplaires au XVIIIe siècle et restant limitée aux milieux instruits.
C'est donc dans ce cadre que Jean le Rond d'Alembert (1717-1783), mathématicien, astronome et philosophe français des Lumières converti à la pensée newtonienne, qu'il a même considérablement enrichi avec son "Traité de dynamique" (1743), rédige l'article "Gravitation" que nous allons étudier.
Dans quelle mesure cette théorie est-elle validée par les observations empiriques et l'exercice de la raison, en lien également avec les connaissances déjà établies ? Permet-elle d'en développer de nouvelles au travers d'applications utiles, et participe-t-elle de ce fait au progrès constant cher aux Lumières ?
[...] Il étend ensuite les observations au cas de la gravitation entre les planètes, en prenant l'exemple de Jupiter qui lui apparaît comme la cause vraisemblable des variations du mouvement de Saturne, mais aussi aux phénomènes terrestres qui semblent montrer l'attraction de la Lune : la nutation de l'axe de la Terre, c'est-à-dire le balancement de l'axe de la Terre autour de l'axe de l'écliptique, et la précession des équinoxes, lent changement de direction de l'axe de rotation de la Terre. Cependant, il se heurte ici au problème de la généralisation du cas de la Terre et de son satellite, qui vont l'amener à devoir raisonner par analogie. Universalité et analogie Faute d'observations, d'Alembert se voit obliger d'avoir recours à l'analogie pour étendre à l'univers le phénomène de gravitation des planètes vers leur satellite, à partir du cas de la Terre. [...]
[...] Notons par ailleurs qu'il suit ce faisant les idées des Lumières, laissant la possibilité au lecteur de se faire son opinion, et raisonnant à partir des faits, bien que d'Alembert lui-même soit déiste. Gravitation du tome 7 de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, est donc un article emblématique de l'ouvrage entier, par la volonté de vulgarisation des connaissances, d'exposé factuel sous l'égide de la raison, qui doit déboucher sur un progrès de l'humanité. Celui-ci passe à la fois par le progrès des sciences elles-mêmes et par le progrès de leur diffusion. [...]
[...] Le déterminisme semble donc ici en partie dépendre du résultat que l'on s'attend à trouver, et non plus seulement des observations et de la traduction mathématique qui en découle. Les mathématiques comme source de perfectionnement et de nouvelles applications de la théorie La méthode de Newton, à laquelle d'Alembert renvoie, permet de déterminer l'attraction gravitationnelle d'un objet de forme sphérique, mais l'utilisation des mathématiques en accord avec la théorie mise en place permet d'établir de nouveaux résultats, qui participent du progrès continu pensé par les Lumières. [...]
[...] L'universalité de la loi de la gravitation n'est donc pas un fait qu'on doit regarder comme démontré, ou rien ne l'est en Physique 51-52), contrairement à la gravitation des planètes vers le soleil. Grand scientifique lui-même, d'Alembert porte ainsi un jugement éclairé et par là même nuancé sur la validité de cette pensée newtonienne, qui pourrait se révéler tout simplement fausse, en raison des limites étroites de notre intelligence 147), ou d'une application restreinte au domaine céleste. L'esprit critique des Lumières, hérité du doute cartésien, s'attache donc ici à nuancer l'ampleur et la véracité du sujet cet article. [...]
[...] Ces résultats doivent bien sûr être confirmés par les observations par la suite, autant que possible. Par exemple, d'Alembert explicite un calcul mathématique, destiné aux commençants qui montre que la force d'attraction qu'un objet sphérique exerce sur un autre qui soit très près de sa surface est deux fois plus importante que celle que ce même objet exerce sur un objet placé au contact de sa surface. Si cela est vrai mathématiquement à l'époque, cela s'avère faux au vu de nos connaissances actuelles, ce qui met en lumière la nécessité qui demeure de la confrontation des résultats obtenus mathématiquement avec les observations empiriques. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture