C'est dans les années 1620-1630 que se perfectionnèrent les outils de mesure, les statistiques, la cartographie. L'État entreprit alors un effort de dénombrements, d'enquêtes, de classement, d'archivage, d'exploitation systématique de l'information passée ou présente. L'idée moderne de l'aménagement du territoire germa dans l'esprit des architectes, des urbanistes, des bâtisseurs de ponts, des constructeurs de canaux... En 1663, Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) élabora des enquêtes de terrain menées par son frère Charles Colbert de Croissy (1625-1696). Il s'agissait de dresser dans chaque généralité l'état de la charpente administrative, d'évaluer la docilité des puissants et de leurs clientèles, l'encadrement ecclésiastique, militaire, judiciaire et financier, de fournir une description aussi complète que possible de l'agriculture, du négoce, des manufactures et de la vie maritime, de la consommation du sel, enfin de répertorier les possibilités de développement, les terres cultivables, la présence de bois et de forêts exploitables, etc. On ignore si toutes les régions ont été couvertes car on ne possède que huit réponses : Normandie, Bretagne, Touraine, Anjou, Maine, Berry, Bourgogne et Bourbonnais. Des conseillers d'État en 1687-1688 abordèrent la question des abus administratifs. Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707) décrivant l'élection du Vézelay ébaucha un questionnaire, écrivit la Méthode générale et facile pour faire le dénombrement des peuples en 1686. Il effectua plusieurs dénombrements de villes. En 1694, un dénombrement de la population fut demandé par le contrôleur général Louis Phélypeaux de Pontchartrain (1643-1727). L'enquête menée en 1697 par Paul de Beauvillier (1648-1714) a donc des précédents et s'inscrit dans une tradition mise en place dès les années 1630 par le surintendant des finances, le marquis Antoine Coëffier de Ruzé d'Effiat (1581-1632) qui adresse une circulaire aux intendants pour les prier de fournir des états descriptifs de leurs circonscriptions. Le fameux questionnaire de 1697 est établi pour Louis de France, duc de Bourgogne (1682-1712), petit-fils de Louis XIV (1638-1715). Ce dernier incarne de grands espoirs. Le duc de Beauvillier est chargé de l'instruction du duc de Bourgogne depuis le 16 août 1689. L'initiative serait venue du milieu chargé de l'éducation de duc de Bourgogne, composé de Paul de Beauvillier, ami de Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1675-1755) et gendre de Jean-Baptiste Colbert ; des deux gouverneurs M. de Denouville et M. de Saumery ; des précepteurs Fénelon (1651-1715) et l'abbé Claude de Fleury (1640-1723) (...)
[...] Cette situation explique la demande de Beauvillier [ ] s'il y a eu des huguenots, combien il en est sorti (l.41). Les conséquences de l'Édit de Fontainebleau conduisent Louis XIV à une consultation confidentielle en 1698 des vingt-quatre évêques et des neuf intendants dans les provinces les plus touchées par la Révocation. Les réponses à cette convocation sont transmises au cardinal de Noailles et à Pontchartrain, tous s'accordent pour le maintien de l'Édit de Fontainebleau mais divergent sur les moyens. [...]
[...] Ainsi le questionnaire envoyé aux intendants et ses résultats seraient une critique constructive de la politique de Louis XIV. Les mémoires répondant à ce questionnaire sont livrés dans les délais fixés, c'est-à-dire entre la fin 1697 et le début de 1698. Beauvillier a lui-même lu les mémoires et n'hésite pas à réclamer des remaniements ou des compléments pour les mémoires qu'il juge incomplets. En 1707, Vauban donne le résultat global de ces mémoires et donne une estimation de la population française. [...]
[...] L'augmentation de la population française profite plus aux villes qu'aux campagnes. Une ville au XVIIème siècle est composée d'au moins 2000 habitants. La France bénéficie d'un réseau dense de villes petites, moyennes ou grandes. Au XVIIème siècle, l'emprise des villes sur le plat pays s'accentue dans tous les domaines de l'économie, du social et du culturel. La ville s'affirme par ses activités, par sa société et sa culture. Au cours du XVIIème siècle se développe un discours nouveau sur la ville qui n'est plus considérée comme une anomalie démographique servant à absorber le surplus des campagnes. [...]
[...] Entre le programme fixé et sa réalisation matérielle nombre d'intendants s'acquittent souvent médiocrement de leur mission, ils présentent peut-être un tableau adouci du royaume. Que révèle ce questionnaire sur les aspirations de la monarchie ? Grâce à quel type d'informations compte-t-elle prendre pleinement le contrôle de son royaume ? Dans un premier temps, nous verrons la volonté de la monarchie de dresser une carte de la population du royaume et, pour finir, nous analyserons la volonté de connaître la vraie richesse du royaume. [...]
[...] Et par ce biais aussi, la monarchie espère mieux contrôler la société du royaume et le commerce vu comme la principale source de richesse. On peut aussi se demander si ce projet né dans les milieux entourant le duc de Bourgogne n'est pas une préparation au règne futur et une critique de la politique de Louis XIV. Cette opposition est animée par les deux gendres de Colbert, le duc de Beauvillier et le duc de Chevreuse et par Saint-Simon et Fénelon. Tous rêvent d'une monarchie dans laquelle l'aristocratie retrouverait ses anciennes prérogatives. [...]
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