"Les 11 aldeias regroupaient chacune près de 3 000 personnes, certaines allant jusqu'à 5 000, les Portugais pensaient y capturer près de 33 000 hommes. Mais tous avaient pris la fuite" (l.18-19). Ces chiffres rapportés par le père Antonio Ruiz de Montoya mettent en évidence le succès que les aldeias ou "réductions" jésuites connaissaient déjà en 1631, ainsi que le danger auquel ces réductions étaient sans cesse soumises.
Antonio Ruiz de Montoya (1585-1652) est un jésuite né à Lima, au Pérou, qui s'engage dans la Compagnie de Jésus en 1606. Il fût l'un des fondateurs des réductions de Guaira, communautés chrétiennes dirigées par des jésuites, composées d'Indiens Guarani à la frontière de l'Amérique espagnole et portugaise. Il fonde douze réductions entre 1612 et 1629 dans cette région.
Son histoire nous est racontée par lui-même dans La Conquista esperitual del Paraguay en 1639, et également par le père Francisco Jarque (1609-1691), missionnaire au Paraguay de 1626 à 1640 qui reçoit ses confessions.
[...] Ces deux réductions avaient été formées dans la région du Haut Parana par deux pères en 1609. La première communauté est appellée St ignace, tandis que Loreto est elle fondée par des jésuites italiens, se situant à l'est d'Asunciòn, entre les fleuves Paranapanema et Iguazù. On remarque déjà la spécificité de ces réductions qui ont pour but une "conquête spirituelle" de l'Amérique ibérique, indépendemment du royaume dont les jésuites sont originaires. Les fondations de ces communautés ont par ailleurs été officialisées en 1609 pour le royaume d'Espagne qui interdisait aux colons de pénétrer dans le Guaira et d'y asservir les Indiens. [...]
[...] Les bandeiras prennent alors de larges dimensions et s'enfoncent dans les terres afin d'enlever des Indiens. Les réductions présentent plusieurs avantages : celui de regrouper des milliers d'Indiens au même endroit, et également de les vendre plus cher car ces Indiens sont instruits et lettrés. Le texte que nous avons à commenter est une chasse à l'homme dont a été victime Montoya en 1631 dans les réductions de Guaira, où il explique d'abord l'organisation de sa fuite (l.1-10). Puis il fait référence à l'église abandonnée rappelant là l'objectif de christiannisation des Indiens (l.11-19). [...]
[...] Le manque d'icônes défavorisait les jésuites dans leur démarche, car ne pouvait les substituer dans l'esprit indien aux icones chrétiennes. Le principal problème des jésuites était la sédentarisation des Guarani. Le succès de ces jésuites est finalement imputable notamment au fait qu'ils ne voulaient pas annihiler les culture et croyances des Indiens. Le père Montoya avait bien compris cette nécessité et avait ainsi développé une manière d'instructions qui reprenait ces croyances. Les villages étaient organisés selon un schéma précis, l'église se trouvant au milieu de l'aldeia. [...]
[...] Les 15000 Indiens embarquent par la suite sur les "jangadas" (l.10), barques construites par les Guarani, et descendent donc le fleuve Parana en direction des réductions du Paraguay. On a donc un ensemble de réductions primitives situées aux frontières de deux Empires. On constate que ces communautés sont autonomes par rapport aux autorités et s'organisent d'elles-mêmes, malgré les incursions des bandeirantes, qui ne font que montrer la solidarité des diverses communautés composées de jésuites appartenant aux deux camps adverses. Malgré les difficultés d'installation de réductions durables, les missions jésuites se multiplient et connaissent un réel succès si bien qu'en 1630, on comptait une vingtaine de réductions dans l'ensemble du Guaira, pour environ 60000 Indiens. [...]
[...] Par ailleurs, ce qui les dérange sont les conditions de travail des Indiens, exploités et donc asservis. Il ne faut néanmoins pas idéaliser ces jésuites. Les bandeirantes permettaient la destabilisation des structures de vie des Indiens qui se réfugiaient alors dans des réductions, participant à leur succès. On peut également s'interroger sur l'absence de réactions des autorités espagnoles et portugaises face aux phénomènes : les premières ignoraient les appels jésuites, tandis qu'on soupçonne les deuxièmes d'avoir implicitement autorisé un esclavage qui participaient à l'économie du pays. [...]
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