La phase chronologique représentée par les règnes de Pépin le Bref et Charlemagne (741-814) fut souvent décrite dans les manuels, jusqu'il y a une vingtaine d'années environ, comme la période phare, l'apogée de la construction politique carolingienne; on lui opposait la période suivante, inaugurée par le successeur immédiat de Charlemagne, Louis le Pieux (surnommé dans ces mêmes Manuels le “Débonnaire”, c'est-à-dire, traduit en termes clairs, le gentil naïf manœuvré par les prêtres).
Depuis, s'est amorcée une réaction historiographique salutaire qui a conduit à réévaluer les règnes de Louis le Pieux et Charles le Chauve, en portant ses critiques sur deux aspects de la vision antérieure.
[...] Sur le fond, les mécontentements demeurent : ceux des évêques mis à l'écart, mais aussi ceux de Pépin et Louis, car leur jeune demi-frère est à leurs yeux trop bien lotis. La seconde coalition mise sur pied par Lothaire en 833 apparaît ainsi bien plus dangereuse que la précédente, notamment parce que le pape Grégoire IV a pris le parti des révoltés. Au printemps 833, Louis doit à nouveau s'incliner : on voit ses Grands, lors d'une rencontre à Colmar, en juin, l'abandonner un à un, d'où le nom de champ du mensonge donné à cet épisode ; achetés par les fils, ils l'ont trahi au lieu d'assister leur seigneur et maître dans ses tractations avec ses fils, puisque c'était l'objet initial de la rencontre. [...]
[...] Cette brève analyse confirme donc le déplacement évoqué du centre de gravité de l'Europe. Secundo, ces conquêtes furent menées en réalité sans plan préétabli, n'a pas connu un succès continu, obligeant parfois à l'emploi de la diplomatie ; on peut cependant déceler des principes directeurs, qui sont : la protection du royaume légué, d'où découle la mise au pas de la Saxe païenne, qui ne cessait de menacer la Germanie anciennement franque ; d'où aussi la mise hors d'état de nuire des Avars et les attaques contre la Bohème, afin de protéger la Bavière ; d'où enfin la constitution de la marche d'Espagne pour garantir l'Aquitaine. [...]
[...] Il lui a fallu plusieurs campagnes pour venir à bout de la forteresse où les Avars gardaient leur trésor : ce trésor, le Ring, est pillé en 796 et quinze chariots sont nécessaires, selon l'historiographie officielle carolingienne, pour en ramener les richesses largement distribuées aux aristocrates. À travers cet exemple, on saisit ce qui a fait la force de Charlemagne et devait a contrario constituer la relative faiblesse de ses successeurs : grâce à ses conquêtes territoriales considérables, et à ses guerres de pillage, il a toujours eu des ressources nouvelles à distribuer, lui permettant de fidéliser et fédérer les différentes aristocraties qui finirent par constituer un groupe social et culturel homogène à l'échelle de l'Europe (voir le cours suivant sur les aristocrates). [...]
[...] Parallèlement, il se remarie avec la Welf (grande famille d'Aristocrates francs) Judith et fait épouser à ses enfants des rejetons de la haute Aristocratie (au contraire de Charlemagne qui avait fui ces alliances pour ne pas abaisser la famille royale au même niveau que les Grands. D'autre part, Louis effectue la célèbre pénitence publique d'Attigny (plaid d'août 822), renouvelant l'acte de l'Empereur romain chrétien Théodose de 380 (celui qui a instauré définitivement le Christianisme comme unique religion autorisée dans l'Empire), par lequel ce dernier à la suite d'un massacre injustifié et des durs reproches d'Ambroise de Milan avait marqué sa soumission au pouvoir religieux. [...]
[...] Autre sujet de discorde selon les sources : la cérémonie de la proskynèse, c'est-à-dire de l'« adoration de l'empereur par le pape, coutumière à Byzance ; seul Eginhard en parle, pour évoquer le fort mécontentement qu'elle aurait provoqué chez Charlemagne, craignant une manifestation d'idolâtrie. Le fait est que ce rite a disparu très vite du cérémonial occidental, et que Charles en 813 couronna lui-même empereur à Aix-la-Chapelle, sans aucune référence au pape, son héritier désormais unique, Louis. Ce dernier ne devait pas manifester sur la question les mêmes vues que son père puisqu'il accepta d'être à nouveau couronné des mains du nouveau pape Étienne II, à Reims en 816. [...]
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