Une « paix de suppléance », instituée aux années 990 par les évêques des régions de carence royale (Aquitaine et Narbonnaise) afin de pallier, face à la montée de la violence châtelaine, les défaillances des pouvoirs traditionnels (royauté, princes et comtes) : cette définition assez généralement admise de la « paix de Dieu » dans sa première phase de mouvement insiste sur un double synchronisme. D'une part, celle-ci naît dans le sillage de la mutatio regni de 987 qui semble avoir eu, en certaines régions, une incidence grave sur le rayonnement de la royauté, engendrant une crise de confiance qu'illustre le tarissement brutal des requêtes de l'Eglise du centre et du sud en vue de l'obtention de privilèges royaux. D'autre part, la « paix de Dieu » naît au moment même où les sources parlent de plus en plus d'exactions imposées au monde paysan et d'offensive des puissants contre la seigneurie ecclésiastique, où vacille l'autorité des princes et des comtes tandis que s'annonce une dissociation plus profonde des structures politiques (...)
[...] Mais le système seigneurial lui-même n'est pas en cause et maintes exceptions tendent au contraire à reconnaître les droits discrétionnaires que possède chaque seigneur sur sa propre terre en matière de prise de bétail ou de vivres, ou encore à légitimer celles-ci, tout en les réglementant en cas d'expéditions publiques : celles que dirige le roi, les évêques ou les comtes. De même, la vieille vengeance privée reste admise comme moyen de faire justice, sauf à ce que certains textes imposent un délai d'attente de quinze jours avant sa mise en œuvre. Il s'agit donc bien de tracer une frontière entre une forme de violence que l'on tolère et une autre forme de violence jugée illégitime. [...]
[...] Un peu plus tar vers 1030, la paix atteint l'Amienois et la Flandre alors même qu'elle connaît une nouvelle extension en Aquitaine avec six conciles de paix réunis entre 1027 et 1033. A l'origine limités à la protection des lieux culturels, des clercs désarmés et du bétail, les statuts conciliaires ne tardent pas à s'étoffer d'autres interdictions : celles d'arrêter les paysans pour les contraindre à se racheter, d'usurper les terres de l'Eglise ou d'y étendre les coutumes, de s'en prendre aux marchands et à leurs biens. [...]
[...] Bien que cette pratique du serment ne soit pas toujours attestée, elle est d'un usage courant : tous ceux qui exercent le métier des armes sont requis, lors des assemblées de paix qui regroupent autour des évêques les populations alentours et l'aristocratie laïque, de jurer sur les reliques sacrées, qu'ils respecteront les prescriptions conciliaires. Reste à considérer le rôle joué par ces grands lacs dont la présence est attestée lors de la tenue de nombreuses assemblées de paix. Que certains aient été rangés dans la catégorie des fauteurs de troubles qu'il fallait contraindre à jurer la paix n'exclut pas que d'autres aient rempli en étroite collaboration avec l'épiscopat, une fonction de soutien, parfois même d'initiation des assemblées de paix. [...]
[...] D'autre part, la paix de Dieu naît au moment même où les sources parlent de plus en plus d'exactions imposées au monde paysan et d'offensive des puissants contre la seigneurie ecclésiastique, où vacille l'autorité des princes et des comtes tandis que s'annonce une dissociation plus profonde des structures politiques. En 975, une assemblée tenue par Guy d'Anjou, évêque du Puy, à Saint- Germain-Laprade, s'inscrit dans le droit fil du capitulaire de Carloman : ayant convoqué les fauteurs de troubles, l'évêque les y contraint à restituer les biens des pauvres et des églises et à jurer la paix. Mais il ne s'agit encore là que d'une initiative diocésaine. [...]
[...] Il n'est pas le seul, et dans son poème au roi Robert, un autre prélat d'origine lorraine, l'évêque Adalbéron de Laon dénonce les évêques qui célèbrent ce qu'il appelle des rites campagnards et qu'il faut assimiler à ces assemblées tenues en plein air au cours desquelles le haut clergé et le petit peuple forcent les nobles à prêter le serment de paix. [...]
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