Vie de Saint Louis, croisade, Grande Ordonnance, Joinville, Louis IX, austérité
En 1254, Saint-Louis revient d'une croisade malheureuse et met en œuvre un ensemble de réformes regroupées par la suite sous le titre de «Grande Ordonnance». C'est ce moment fort de son règne que Joinville retranscrit dans cet extrait de La vie de Saint-Louis. Cette biographie qu'il finit en octobre 1309, lui a été commandée par Jeanne de Navarre et ne peut pas être considérée comme œuvre d'historien du fait de sa subjectivité. Néanmoins, dans cet extrait en particulier, Joinville se contente après un petit paragraphe introductif, de retranscrire les textes amendés par le roi. Ce texte regroupe donc différentes réformes instituées par le pouvoir royal en 1254 et qui semblent avoir pour but une réforme forte de ce même pouvoir et du domaine royal en son intégralité. Les diverses ordonnances apparaissent comme moralisatrices et tiraillées entre deux points paradoxaux. En effet, d'un côté elles renforcent un certain archaïsme en encourageant la moralisation de l'administration et du domaine royal; mais elles soulignent aussi la naissance d'une certaine modernité avec des améliorations juridiques, administratives ou encore dans la réflexion sur le pouvoir royal... De la même façon, ce texte apparaît tiraillé entre une représentation donnée du roi, créant une image positive qui fut celle du grand roi Saint-Louis canonisé et un aspect politique de ces réformes qui affirme le rôle de Saint-Louis dans la progression vers la création d'un état royal au XIIIe siècle...
[...] Revenant d'une croisade malheureuse, le roi Saint-Louis décide de réformer son royaume. En effet, il a une vision assez archaïque et chrétienne de son pouvoir royal et tente par une moralisation de garantir son salut mais aussi celui de son royaume. De la simplicité, il passe à l'austérité: sa politique répond alors à un programme de purification, d'ordre moral et religieux à l'échelle du domaine et de ses sujets, comme l'on peut le voir dans ce texte . Joinville en reproduisant cette ordonnance montre tout d'abord le désir de retour à une moralité austère qui est celui de Saint-Louis à son retour de la croisade: «Après que le roi saint-Louis fut revenu d'outre-mer en France, il se comporta avec dévotion envers le Seigneur». [...]
[...] Par cette interdiction, Saint-Louis garantit un respect de la justice, une administration plus équitable, morale et par la-même performante. Par deux fois, Saint-Louis précise: «Ils jureront» en introduisant ainsi un serment à deux entrées que devront respecter les baillis et les prévôts. Quelles sont ces deux entrées? Tout d'abord, la corruption ne doit pas toucher également les proches des administrateurs. En interdisant tout don, tout cadeau à l'entourage des grands administrateurs du royaume, Saint-Louis tente d'éviter les dérives du pouvoir: placement des membres de la famille, détournement de la justice par intérêt . [...]
[...] Par la même, il peut garantir une monnaie stable qui fera d'ailleurs partie intégrante de sa figure morale et bienveillante. Enfin, les «enquêteurs»: par cette prescription, on perçoit la volonté d'une administration efficace, contrôlée et équitable. Dans toutes ces diverses échelles, ressort tout de même un concept phare de cette Grande Ordonnance: la justice. Saint-Louis demande aux administrateurs de juger «en toute bonne foi», d'oublier toute promesse ou tout don afin de pouvoir juger en toute objectivité. La moralisation de l'administration apparaît donc phare en tant qu'elle permet une efficacité plus importante sur deux plans: d'un point de vue concret, elle restreint les risques de corruption; d'un point de vue moral, elle soumet l'administration du Moyen-Age à des figures de moralité, évitant les «vices», les dérives du «déloyal», du «rapineur», de l'«usurier». [...]
[...] Le texte précise alors: «Ils jureront de ne donner ni d'envoyer de cadeau à nul homme de notre conseil». Pourquoi prendre cette mesure? Il semble que trois niveaux différents en soient touchés. Tout d'abord, les hommes du conseil ou leur famille: Saint-Louis tend ici à montrer que le pouvoir royal lui-même n'est en aucun cas soumis à la corruption. Puis, «ceux qui reçoivent les comptes»: le roi veut éviter que les revenus de son domaine soient détournés et que les comptes soient volontairement faussés. [...]
[...] Dans un deuxième temps, une autre allusion dans cette Grande Ordonnance offre l'image d'un roi qui se veut dans une certaine modernité relative néanmoins à une moralisation archaïque, un roi soucieux de son peuple et de son maintien. Ce souci du peuple est un des serments du roi, une des fonctions du pouvoir royal qui doit accompagner le peuple en garantissant son salut. Cette allusion, c'est la référence aux interdictions à «l'exportation de blé, vin et autres marchandises hors du royaume.» Par cette ordonnance, le pouvoir royal défend aux baillis de décider seul l'arrêt des exportations des marchandises. Pourquoi accorder de l'importance à ce point et s'y intéresser? Cela semble traduire un réel souci du peuple. [...]
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