Dans son Histoire occidentale qu'il rédige entre 1220 et 1225, Jacques de Vitry se propose de dresser un tableau de l'Eglise d'Occident en ce début de XIIIème siècle. Né en 1160-1170, Jacques de Vitry étudie à l'université de Paris avant d'être ordonné prêtre puis, à partir de 1211, de déployer une intense activité de prédicateur dans le cadre de la croisade contre les Albigeois puis de la cinquième croisade à laquelle il prend part. Proche des différents papes qui se succèdent, il exerce ensuite différentes charges au sein de la curie en qualité de cardinal-évêque de Tusculum jusqu'à sa mort en 1240. Son activité littéraire est abondante, notamment en ce qui concerne les sermons : il en laisse plus de 400. Son Histoire occidentale est de nature différente et relate un certain nombre d'anecdotes significatives comme ici les tensions qui opposent les moines et les convers de l'ordre de Grandmont. Jacques de Vitry ne se contente pas seulement de nous relater une petite anecdote qui complète son tableau de l'Eglise d'Occident au XIIIème siècle : sa propre vision du monde et de l'Eglise transparaît dans ce texte qui ne rapporte pas simplement l'anecdote mais en propose aussi une interprétation.
L'ordre de Grandmont a été fondé par Etienne de Muret en 1076 et s'inscrit dans le mouvement de renouveau monastique des XI-XIIIemes siècles, en réaction à la splendeur qu'ont pris certains ordres comme Cluny qui s'éloigne de plus en plus de la règle bénédictine. Etienne se retire tout d'abord en tant qu'ermite dans la forêt de Muret, près d'Ambazac en Haute Vienne, et prêche l'évangile : quelques disciples sont attirés par son exemples et une petite communauté spirituelle se forme autour de lui. A sa mort, la communauté s'installe à Grandmont et une règle est rédigée vers 1140-1150 par Etienne de Liciac, le quatrième prieur : celle-ci insiste sur la pauvreté et la solitude des moines qui doivent se consacrer à la contemplation. Pour les aider dans leur tâche, des frères laïcs, les convers, sont chargés de gérer les biens du monastère et de pourvoir au nécessaire des moines. Ces deux communautés sont censées vivre dans la plus stricte égalité. Mais avec l'extension de l'ordre, les biens à gérer sont de plus en plus importants, ce qui déclenche des conflits entre les moines et les convers dans les premières décennies du XIIIème siècle.
Jacques de Vitry nous relate ici un de ces conflits : il introduit son anecdote (l1-7) puis nous présente les revendications des deux partis (l7-26) et rend compte de la décision finale du pape (l26-36). On peut se demander en quoi cette anecdote est particulièrement significative pour qu'elle soit relevée par Jacques de Vitry. Nous verrons tout d'abord qu'elle permet de présenter un ordre à l'organisation originale qui témoigne d'un renouveau monastique mais qu'elle démontre ensuite l'équilibre impossible entre les pouvoirs spirituels et temporels. Finalement, le conflit entre ces deux pouvoirs est inévitable et ne peut être réglé que par l'intervention pontificale que Jacques de Vitry met particulièrement en avant.
[...] Bibliographie - La vie au moyen âge, Robert Delort, éd Seuil - La civilisation de l'occident médiéval, Jacques Le Goff, éd Flammarion - La spiritualité du Moyen Age occidental, éd Seuil, 1994. [...]
[...] C'est ce dernier point, édictée par la règle, qui fait l'originalité de l'ordre de Grandmont puisque dans les autres ordres les convers n'ont pas tout le monopole du temporel. La règle indique que dans le travail et dans les autres affaires, ils commanderont aux autres frères, clercs et convers, non en esprit de domination mais en toute charité Ici il est même précisé que les moines n'ont pas le droit de s'occuper du temporel, dans lequel ils n'exercent aucun dominium aucune souveraineté. [...]
[...] Etienne se retire tout d'abord en tant qu'ermite dans la forêt de Muret, près d'Ambazac en Haute Vienne, et prêche l'évangile : quelques disciples sont attirés par son exemples et une petite communauté spirituelle se forme autour de lui. A sa mort, la communauté s'installe à Grandmont et une règle est rédigée vers 1140-1150 par Etienne de Liciac, le quatrième prieur : celle-ci insiste sur la pauvreté et la solitude des moines qui doivent se consacrer à la contemplation. Pour les aider dans leur tâche, des frères laïcs, les convers, sont chargés de gérer les biens du monastère et de pourvoir au nécessaire des moines. [...]
[...] L'ordre des Camaldules en Italie est un ordre érémitique fondé dès 1012, et on peut aussi remarquer la fondation de l'ordre de Fontevraud vers 1101 : tous ces ordres érémitiques témoignent d'une volonté de réforme monastique La charge des frères convers _ Les disciples rassemblés autour d'Etienne de Muret se distinguent en premier lieu par leur occupation où les moins doués assistaient les plus capables : psalmodie pour les clercs et gros travaux pour les laïcs. Lorsque ces groupes s'organisent en communauté, les clercs deviennent moines et les laïcs convers. [...]
[...] On a bien vu que c'est l'organisation même de l'ordre de Grandmont avec cet équilibre impossible à réaliser entre les deux pouvoirs qui est la cause de ce conflit entre les moines et les convers. Pourtant, à lire Jacques de Vitry on a l'impression que seuls les laïcs sont responsables de ce conflit : ils en sont même la cause directe puisque c'est eux qui se mêlent des affaires spirituelles auxquelles se consacrent les moines. Jacques de Vitry et vise à accuser les laïcs de tous les torts. [...]
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