L'article porte sur la charistikè, la donation d'un monastère à un laïc, et tente de montrer les problèmes que ces donations soulèvent pour l'Eglise Orthodoxe et pour l'économie byzantine. L'institution se développe suite à des réformes entreprises par Nicéphore Phocas et Basile II à la fin du 10e siècle et au début du 11e. Les ecclésiastiques, notamment le patriarche d'Antioche Jean V, condamnent cette pratique. Des empereurs, comme Nicéphore Phocas, dénoncent eux aussi ces pratiques et alertent sur ses dangers. Dans la 2e moitié du 11e la pratique devient rare.
Le traité que le patriarche Jean V envoie à Alexis 1er Comnène à la fin du 11e siècle reproduit le formulaire de donation : « Ma Majesté (ou Ma Médiocrité) te donne à toi, un tel, tel monastère, avec tous ces droits et privilèges, tous ces biens fonciers, immobiliers et tous ses autres revenus pour la durée de ta vie, ou pour deux personnes ».
Par cet acte, le propriétaire du monastère donne ce bien à une personne physique, éventuellement son successeur pour une durée déterminée. Cet acte signe l'intrusion des laïques dans la vie du monastère et parfois même la présence de ceux-ci en son sein (tentation d'une intervention dans la vie religieuse, avec des abus possibles évidents). Le bénéficiaire de la concession, charisticaire, prend en main la vie matérielle du monastère, assure la mise en valeur des terres et utilise les revenus.
[...] La réaction des évêchés et métropoles Cela ne fait pas leur affaire. Les évêques sont en théorie propriétaires de tous les établissements consacrés de leur évêché, sauf mention contraire du fondateur. Or, depuis 1 siècle, les revenus des monastères sont la principale ressource des évêchés. Cependant, les documents montrent une réalité contradictoire : les ecclésiastiques, principaux détenteurs des biens monastiques sont aussi les principaux donateurs en charistikè ! L'Église cherche des charisticaires (souvent des laïques puissants) pour obtenir leur protection. [...]
[...] Ils y construisirent un monastère avec leurs deux cellules. Alexis 1er Comnène vint les visiter un jour et s'étonna du délabrement de l'Église et de l'établissement. À plusieurs reprises, il fit des donations pour la reconstruction du monastère et lui assurer quelques revenus (exemptions, donations de vin et d'huile Cependant, cet oratoire resta dans sa médiocrité. Cependant, la novelle de Nicéphore est contradictoire et porte en elle l'échec de toute réforme : il condamne l'avidité avec laquelle les moines tentent d'étendre leurs possessions, en venant à vivre en administrateurs à la manière des laïques, mais les encourage à trouver des solutions pour acquérir de la main d'œuvre. [...]
[...] Deuxième impératif : des monastères dépendent souvent des institutions de charité. Or le mauvais état des uns rejaillit forcément sur celui des autres. Il exhorte donc ceux qui ont de l'argent à le donner aux monastères plutôt que de faire de nouvelles fondations. Ils dépenseront cependant à pure perte. Ce paradoxe ne sera pas repris par son successeur Basile II qui pense que pour attirer les investisseurs il faut une contrepartie, la participation aux profits nés de leur investissement : d'où le développement de la charistikè. [...]
[...] Dénonçant la cupidité de ce favori, il montre sa propension à accumuler les biens pour en tirer de lucratifs revenus. Jean d'Antioche dénonça également cette dérive qui se généralisait : les plus grands établissements étaient donnés en charistikè dans d'autres buts que d'enrichir les charisticaire. Ainsi, les ecclésiastiques développent l'épidôsis envers les monastères plus importants : ceux-ci se voient conférer la gestion de monastères ruinés, en faisant souvent des sous-ordres du monastère, des métoques. [...]
[...] C'est pourquoi les fondateurs les confient à des puissants pour les relever. La charistikè permet en effet la restitution du bien au fondateur ou propriétaire après une période donnée vie ou deux). Ainsi, Psellos reçoit en charistikè le monastère de Médikion en Bithynie : avant d'en percevoir les revenus, il doit investir de longues années à la reconstruction de l'établissement. Certains monastères étaient au contraire en très bonne santé et rapportaient des revenus considérables. Mais la majorité reste pauvre. Dans une novelle, Nicéphore Phocas dénonce cet état de fait : selon lui, les monastères ont trop de terres, cherchent à en acquérir toujours plus, mais ne disposent pas de la main-d'œuvre et des animaux suffisants à sa bonne gestion. [...]
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