Maison-Dieu, Dominique Iogna-Prat, lieu du culte, bâtiment ecclésiastique, institution ecclésiale, paroisse, sacrements
L'image d'une société médiévale holiste, où tous occupent une place et une fonction dans un tout harmonieusement établi, est couramment répandue. La cathédrale, qui symbolise le corps de l'Eglise dont chacun est une pierre vivante, viendrait parachever cet édifice commun. L'église devient dans ce modèle le lieu terrestre privilégié où habite l'Eglise. Pourtant il n'en a pas toujours été ainsi si l'on se penche sur l'enseignement des premiers apôtres puis sur celui des Pères de l'Eglise. L'apôtre Pierre, précisément, posait dans son premier Epître la primauté d'un édifice spirituel sur la simple église-monument : « Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ ». Comment comprendre l'imposition de l'église comme lieu du culte et du rassemblement de la communauté ? Pourquoi Dieu est-il devenu de « pierre » ? Quand l'église s'est-elle imposée dans le paysage occidental ? Pourquoi cette invention somme toute tardive de l'église ?
[...] Ces voix dissonantes ne sont guère entendues et les premières Sommes scolastiques s'élaborent. Les différents monuments bibliques (arche de Noé, Tabernacle de Moïse, Temple d'Ezéchiel, Temple de Salomon et de David) sont pensés comme des monuments représentables d'une part, comme des cadres nécessaires pour penser la société chrétienne et même la vie spirituelle des fidèles d'autre part. Il s'agit d'architecturer l'ensemble de la création pour essayer de comprendre le jeu de places et de degrés organisant le grand dessein de Dieu. [...]
[...] C'est un lieu de séparation et l'Église se constitue en hiérarchie dont les divisions se reflètent dans le monument : séparation entre clercs et laïcs bien sûr, mais également entre le Christ est les saints, le premier étant célébré sur l'autel, les seconds se trouvant en dessous et faisant office de médium vers l'au-delà. Le décor des églises lui-même est également un médium qui donne à voir le divin. Mais comment justifier sur le plan des doctrines cette présence ? [...]
[...] La puissance s'incarne désormais là où le souverain est réellement présent. Il en est de même pour la chapelle dont la spatialisation s'organise. On constate en effet un effort de structuration et de hiérarchisation du monument religieux carolingien qui intègre et organise, dans un cadre synthétique, des éléments préexistants, mais jusqu'alors disjoints et disséminés : le baptistère, lieu de l'initiation chrétienne ; le martyrium, lieu des saints et des morts inhumés ad sanctos ; l'autel, pôle eucharistique (D. Iogna-Prat). À cette époque néanmoins, l'église n'est pas encore le lieu privilégié de la présence du divin et de sa rencontre. [...]
[...] Mais l'analyse menée par Dominique Iogna-Prat dépasse les simples rouleaux de l'Exultet. Qu'est-ce qui a amené l'institution ecclésiale à s'imposer dans le paysage social sous la forme non seulement de l'église, mais également d'aires consacrées articulées à l'église (cimetières, sauveté, domaine ecclésiastique) ? L'idée est désormais la suivante : pour être de l'Église, il faut être dans l'église. Le bâtiment de pierre est l'intermédiaire nécessaire pour l'accession au Temple spirituel. Cette inclusion dans l'Église suppose aussi l'existence de ceux qui ne sont pas dans l'Église, qui sont en dehors. [...]
[...] Dieu est sans lieu (illocalis) : il n'est pas contenu dans le lieu parce qu'il contient tout. L'église ne se justifie donc que par ce qui s'y accomplit pour Dieu, comme le lieu réservé au culte La notion de corps est centrale pour comprendre l'intérêt du pouvoir pour ces questions. L'Empire est vu comme un ensemble de places et de fonctions hiérarchisées, comme le professait Saint Paul au sujet de l'Église : Or vous êtes, vous, le corps du Christ, et membre chacun pour sa part. [...]
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