Le règne de Charles V (1364-1380) fut celui de l'approfondissement d'une doctrine politique qui plaçait le roi au-dessus de tous et imposait ainsi le pouvoir dynastique des Valois durement ébranlé sous le règne de Jean Le Bon après les premières défaites face aux Anglais. Charles V était un roi de cabinet, diplomate qui s'appuyait sur les clercs, la noblesse et les princes de sang pour gouverner. L'importance que Charles V attachait à l'idée que l'opinion se faisait de l'«état royal» l'amena à changer son habit court de chevalier lors de son arrivée au pouvoir pour prendre la robe des clercs et des officiers experts en droit.
En 1366, roi depuis deux ans, Charles V poursuivait la mise en place d'un pouvoir royal fort en procédant au déménagement de sa résidence personnelle du Palais de la Cité vers l'Hôtel Saint Paul. Le Palais de la Cité devenait alors véritablement le siège du Parlement de Paris, sommet de la hiérarchie judiciaire. Il devait œuvrer à la construction d'une véritable idéologie monarchique où le roi imposait son pouvoir justicier.
Le premier texte fait référence à ce déménagement et indique que Charles V fit apporter des draperies au Parlement afin d'orner le siège du roi, ou lit puisqu'un siège surmonté d'un dais se nommait « lit » au Moyen Age.
C'est un document officiel, un texte de la pratique, rédigé par un des greffiers du Parlement de Paris. Daté avec précision, du 24 juillet 1366 il n'aspire qu'à jouer le rôle d'un inventaire, à garder un trace écrite dans les registres de tout ce qui se passait au Parlement.
A sa mort en 1380, Charles V avait rendu à la couronne de France tout son prestige face aux Anglais, mais également à l'intérieur du royaume en maintenant l'ordre et en définissant la souveraineté du pouvoir royal qui permettait le développement de la justice royale.
En 1388, son fils Charles VI décida de renvoyer ses oncles pour prendre l'initiative du gouvernement et s'entourer d'une équipe de conseillers qui ne se contentèrent pas de servir le roi mais qui à travers lui voulaient construire l'Etat. Si cet Etat devait être fondé sur des finances saines, il reposait également sur la justice. Ainsi, la construction d'une idéologie monarchique suivait son cours et le 22 août 1389 fut l'occasion de la mettre en scène, lors de l'entrée de la reine Isabeau de Bavière à Paris. Charles VI voulut que le couronnement et l'entrée de la reine, son épouse depuis 1385, fussent marqués par une fête extraordinaire à laquelle devait assister tout le peuple de Paris. Le deuxième texte décrit une des étapes de cette entrée, celle de la porte du Châtelet. Ce texte littéraire est l'œuvre du chroniqueur de cour Jean Froissart qui vint tout spécialement à Paris pour y prendre part. Froissart dont on retiendra les dates de 1337-1404, était un clerc qui vivait dans la mouvance des princes et bénéficia de mécénats successifs. Ses écrits sont issus de la combinaison d'un travail historiographique et d'une mentalité médiévale propre à la noblesse qui visait l'exaltation du pouvoir royal. Le deuxième texte est un extrait du premier chapitre du Quatrième Livre de ses Chroniques qui relate les évènements de 1389 à 1400. La reine est ici face à un tableau vivant au centre duquel figure un lit de justice.
Entre 1366 et 1389, le terme « lit de justice » a ainsi fait son apparition dans les sources: on est passé du simple mobilier parlementaire sans nom dans le premier texte, à un terme spécifique, dans le deuxième texte, décrivant le siège du roi lorsqu'il rendait la justice en son Parlement mais qui en même temps exprimait et exhibait par un glissement sémantique la toute puissance législative et judiciaire du souverain. A la fin du XIV siècle, le lit de justice devient « une forme justicière de l'affirmation de la souveraineté royale » (citation Alain Boureau).
Nous pouvons alors nous demander : quelle vision ces deux textes nous apportent--ils sur la place occupée par le LDJ dans la démonstration du pouvoir justicier du roi de France ? Et si l'on peut parler pour la fin du XIV siècle d'un rituel d'exception ?
Nous verrons dans un premier temps comment s'opère la passage du mobilier parlementaire au « lit de justice » décrit par Froissart, puis que la symbolique entourant le LDJ participe au déploiement de la fonction de haut justicier du souverain, et que finalement le LDJ et les symboles qui lui sont associés sont une démonstration monarchique destinée à un public qui se doit d'être de plus en plus large.
[...] Ces deux textes sont gorgés de symboles exhibant le pouvoir justicier du roi et d'images associées au pouvoir royal. Ils doivent être étudiés par rapport au rituel du lit de justice dans lequel ils s'intègrent puisque isolés ils ne disent rien. A / Les attributs du pouvoir royal (Textes 1 et Les coussins du lit parlementaire dans le premier texte sont semés de fleurs de lys d'or aux armes de France et le personnage de Saint Anne dans le texte de Froissart est, comme nous l'avons vu, associé également à la fleur de lys. [...]
[...] 1366) Le deuxième texte est un extrait de la Chronique de Froissart. Ces deux extraits sont cités par Sarah Hanley dans son ouvrage Le lit de justice des rois de France, Paris, Aubier P Introduction Le règne de Charles V (1364-1380) fut celui de l'approfondissement d'une doctrine politique qui plaçait le roi au-dessus de tous et imposait ainsi le pouvoir dynastique des Valois durement ébranlé sous le règne de Jean Le Bon après les premières défaites face aux Anglais. Charles V était un roi de cabinet, diplomate qui s'appuyait sur les clercs, la noblesse et les princes de sang pour gouverner. [...]
[...] La rencontre plut au jeune roi qui fit alors peindre l'animal blanc, couleur royale, ailé, une couronne autour du cou, sur ses bannières. Cet attribut royal relevait en plus d'une symbolique profonde puisque le cerf devait représenter le Christ luttant contre le mal et était ainsi associé à la vie éternelle : le cerf ailé et couronné était l'attribut d'une monarchie qui ne périrait pas. A côté de ces attributs royaux, la scène décrite par le texte de Froissart met en évidence un lien étroit entre le symbole et la fonction justicière du souverain. [...]
[...] Il est possible que les contemporains aient utilisé le terme de lit pour désigner ce mobilier puisque cette désignation était déjà apparue dans une ordonnance de 1318. Si le siège du roi est appelé lit c'est parce qu'il existait un lien entre le lit du roi dans le Parlement et le lit où il dormait: les éléments les composant étaient approximativement les mêmes. D'ailleurs, Froissart fait état de cette ressemblance à la ligne comme pour la chambre le Roy Charles V décida très probablement de remplacer l'attirail qui constituait jusqu'à présent le siège du roi au Parlement puisqu'il est stipulé que ces éléments étaient neufs à la ligne 3. [...]
[...] Tout comme son père, Charles VI tenait le Parlement en très haute considération puisqu'il était le lieu de déploiement de son pouvoir justicier. Ici, la mise en scène est la représentation symbolique d'un jugement divin que surplombe le lit de justice: il est placé sur le château de bois sur ce Chastel un lit tandis que la scène du jugement se déroule en dessous ou plain de ce Chastel c'est-à-dire au pied de ce château). Ce lit de justice n'est donc pas uniquement siège royal, le nouveau nom donné à l'appareil décrit par le greffier du premier texte ; sa présence dans le tableau vivant est investie d'un autre sens : il définit la séance solennelle qui se déroule à ses pieds, séance d'une telle importance que le roi y était présent. [...]
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