Le Dimanche de Bouvines de Georges Duby fait, à bien des égards, partie intégrante des classiques de l'historiographie médiévale. La rédaction de cette monographie a été proposée par Gérard Walter en 1968, pour sa collection « Trente journées qui ont fait la France ». Au même titre que le baptême de Clovis, que l'assassinat d'Henry IV, que la prise de la Bastille, que les Révolutions de 1830 et 1848 ou que la libération de Paris, ce qui s'est passé à Bouvines le 27 juillet 1214 a façonné profondément la France. Pour Georges Duby, médiéviste né en 1919, agrégé de lettres et professeur au Collège de France dès 1970, il ne s'agit pas de réitérer tout ce qui a été dit et redit sur cet évènement retentissant. En effet, il serait suffisant de lire les pages d'Ernest Lavisse consacrées à la bataille de Bouvines pour connaître l'entrelacement d'intrigues qui entourent l'affrontement entre le roi de France Philippe Auguste, et la coalition constituée de l'empereur Otton, du comte de Flandre Ferrand et du comte de Boulogne Renaud. Mais Duby veut aller plus loin. Il se positionne en héritier de l'école des Annales qui professe un renouveau de l'histoire économique et sociale, et a fortiori d'un temps long mettant en exergue les causes sous-jacentes aux évènements ponctuels. En toute originalité, Duby ne rejette pas l'évènement en tant que tel, mais veut le concilier avec un temps plus profond, avec une analyse digne d'un anthropologue. Bouvines offre en effet la merveilleuse possibilité de pouvoir effectuer une ethnographie de la société médiévale au XIIIe siècle, et plus particulièrement une « sociologie de la guerre ». En effet, le « fait divers » est la résultante de toute une réalité qui travaille en profondeur, qui va même jusqu'à bouleverser lentement, mais inexorablement les mentalités. La bataille de Bouvines est donc plus qu'un simple évènement, elle témoigne de toute une façon de penser et d'agir. Si les causes peuvent être analysées sur du long terme, il n'en demeure pas moins que les conséquences de la bataille ressurgissent elles aussi dans une mythologie nationale, des érudits du XVIIe siècle jusqu'à Michelet. Cet ouvrage, mêlant témoignage, analyse fine et mise en perspective des conséquences, constitue sans conteste un point d'ancrage important pour mieux saisir la société féodale.
[...] S'appuyant sur deux cent soixante-quinze sources imprimées, Duby veut faire preuve d'esprit critique en les distinguant clairement. Elles ne renvoient pas exactement aux mêmes souvenirs. Par exemple, la Philippide de Guillaume le Breton semble manifestement exagérer la grandeur française, dans une tonalité manichéenne opposant des gentils et des méchants incarnés par Otton et Jean sans Terre. Ces derniers sont véritablement diabolisés : Assoiffés de sang, ils ont la malignité de vouloir tuer le roi C'est donc une opposition entre Dieu et Satan entre bien et mal qui s'opèrent à Bouvines pour Guillaume le Breton. [...]
[...] La trêve de Dieu, imposée par les évêques et les papes en est la continuité temporelle. Cependant, l'auteur souligne bien que la guerre est parfois nécessaire pour défendre les intérêts de l'Eglise. Cette guerre n'est pas injuste tant qu'elle est menée par le roi sacré, comme le montre la déclaration d'Isidore de Séville : Juste est la guerre lorsqu'elle est conduite pour récupérer ses biens et repousser les agresseurs en vertu d'un édit p.106. En outre, l'argent a joué un rôle déterminant dans la guerre, puisque son accumulation permettait de s'armer ou de payer les dépenses occasionnées par la guerre. [...]
[...] La Terre sainte correspond à l'actuelle Palestine. Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur aux Chroniques de Saint-Denis qui témoignent des effets quasi miraculeux de la victoire royale. [...]
[...] Duby souhaite effectuer sans autre forme de procès, la distinction entre guerre et bataille. Celle-ci est nécessaire, puisque la bataille constitue déjà une procédure de paix une démarche pacifique, tandis que la guerre est plutôt une opération revancharde et cupide entre puissances rivales. Les batailles se font rares si l'on se réfère aux six uniques batailles livrées en quatre générations. Dans l'ultime chapitre de cette seconde partie, l'auteur se montre plus ironique et plus critique vis- à-vis des témoignages qui ne mettent en relief que la bravoure de grands chevaliers, qui sacralisent des records et des vedettes Or, Duby veut parler à l'inverse de tous ces combattants du peuple dont ne parle guère et que l'on jette injustement aux orties. [...]
[...] Dans sa description, le principal témoin nous offre un récit épique de la bataille, ce qui ne va pas sans subjectivité. Il sacralise abondamment la bienveillance et le courage des combattants français, en témoigne l'éclairante citation : Le roi bondit et monta au destrier plus légèrement que nul n'eût cru p.81. Après d'âpres combats, les comtes Ferrand et Renaud sont faits prisonniers tandis qu'Otton prend la fuite. De par sa précision, ce récit constitue un élément important pour avoir une vue distincte du déroulement des combats. [...]
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