Croquants et Nu-pieds, Yves-Marie Bercé, révolte, révoltes paysannes, gabeleur
Le XVIe siècle et plus exactement, la grande révolte paysanne qui secoue la Guyenne en 1548 marque un nouveau mode de révolte, à la fois par sa nature, par son ampleur, mais aussi par sa gravité. C'est pourquoi cette révolte acquiert une valeur de modèle historique.
La France inaugure, en effet, avec ce soulèvement des paysans des provinces de l'ouest et du sud-ouest, une ère nouvelle, originale dans l'expression populaire et dans la défense collective des valeurs.
Ses motifs en sont clairs : la gabelle. Sous le règne de François 1er et dans le contexte de l'emprise étatique progressive sur le territoire, la conquête fiscale occupe une place centrale. L'État se donne une ossature fiscale à sa mesure et en 1541, la gabelle, impôt de sel qui ne frappait que les provinces septentrionales, non productrices du sel, est étendue aux provinces de l'ouest (édit de Châtellerault). Il en résulte une série de troubles et de soulèvements populaires à Marennes et La Rochelle dès l'été suivant, puis de 1544 à 1547. À la mi-juillet 1548, les troubles prennent une ampleur inégalée en Angoumois. Les paysans réunis par milliers, mettent en fuite les commis des gabelles, à Blaye, Poitiers, ils assiègent la ville d'Angoulême puis Saintes, Cognac, Libourne et pour finir Bordeaux sont emportées par les insurgés.
[...] Le portrait du gabeleur malfaisant est d'ailleurs indissociable du mythe de l'Etat monarchique. Face à la souveraineté royale, dépositaire de toute justice, il incarne les abus de l'injustice : c'est parce que le Roi est bon et juste, c'est parce qu'il ignore les exactions des gabeleurs que le premier soin des insurgés est de lui écrire pour lui présenter leurs requêtes. Du coup, quand le Roi envoie des lettres ordonnant l'arrêt de la révolte, les foules se dispersent, sûres d'avoir été entendues. [...]
[...] Il arrive même que l'un d'entre eux soit élu coronal et prenne la tête des insurgés Emeute ou révolte ? : entre l'émeute d'un jour et la révolte populaire, il y a des différences fondamentales liées notamment au dépassement d'un jour et d'un lieu : la révolte populaire est celle qui donne lieu à la formation d'une troupe armée qui réunit en son sein, des participants de plusieurs communautés d'habitat, mais aussi et surtout celle qui se maintient sur pied pendant plusieurs jours. [...]
[...] Puis les autres paroisses alentour se joignent à la première. Des centaines, des milliers de gens se constituent, ainsi, en troupe armée. On élit, alors, un colonel ou coronal qui est prend la tête du soulèvement. C'est lui qui rédige les lettres de sommation envoyées aux curés et vicaires des paroisses pour qu'elles soient lues dans les églises. Dans ces lettres, qui font référence à la hiérarchie militaire des communes, il invoque Dieu pour attester de la justesse de la cause puis le coronal incite au soulèvement et fixe le rendez-vous dans une prairie ou un champ de foire. [...]
[...] Question 2 : Décrivez le rituel des révoltes paysannes des XVI et XVIIe siècles tel qu'il a été analysé par Yves Marie Bercé, en en distinguant les principaux temps et acteurs. (Des prémices de la révolte à la reprise en main des autorités). On constate des traits répétitifs, dans les modes d'action des insurgés, dans les projets qu'ils manifestent et enfin dans le bilan de ces mouvements Prémices de la révolte : si la cause profonde est la convergence de haine et de colère contre les gabeleurs, la cause immédiate en est souvent, un incident parmi d'autres. [...]
[...] Dans tous les cas, la mise par écrit a pu avoir pour résultat de radicaliser des tendances qui n'étaient qu'implicites. Elle a pu insinuer sans que ni le porte-plume ni les assistants ne l'aient soupçonnée, des idées étrangères au motif de la révolte. Le lecteur moderne, avide de tensions sociales, risque à son tour de s'empresser à les reconnaître, alors même que les hommes du temps n'auraient pu ni les comprendre ni même les imaginer. Cette possible incapacité des textes dans le sujet des violences et des revendications populaires nous introduit à l'étude des comportements des révoltés, des modes d'action, à travers lesquels la personnalité paysanne peut s'exprimer avec plus de clarté. [...]
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