Les villes du XIe au XIIIe siècle connaissent une réelle émancipation vis-à-vis des pouvoirs centraux –royaumes, principautés et Empire- comme en témoigne la constitution de communes. Il s'agit là de l'aboutissement d'un long processus visant à doter l'ensemble des citadins de droits et de compétences, pour s'organiser et se gouverner. En conséquence, le sujet nous invite à nous interroger sur les manières dont ont été conquises ces libertés urbaines, puisque la ville n'est pas étrangère à la prégnance du cadre seigneurial. Cependant, la notion de « ville » est elle-même fondamentalement ambivalente : Civas, burgus, castrum, villa, oppidum, la terminologie est fluctuante pour désigner un phénomène urbain « mal maîtrisé par l'outillage conceptuel et verbal du Moyen-âge » comme l'évoque Jacques Le Goff. Malgré les débats vigoureux qui persistent sur la définition de la ville médiévale, nous entendrons par ville toute agglomération réunissant en son sein une communauté d'hommes, caractérisée par des activités spécifiquement citadines (commerce, artisanat…), matérialisée par une muraille et unifiée par un « état d'âme » particulier. Pour clarifier l'exposé, nous postulerons aussi que la fin du Xe siècle a été le moment d'une renaissance urbaine –laquelle est encore discutée par les historiens- et l'amorce d'un mouvement d'émancipation, certes bien difficile à dater précisément. Nous étudierons les libertés urbaines jusqu'au crépuscule du XIIIe siècle et les premiers heurts apparaissant en Flandre dans les années 1280. Il s'agit donc de considérer le fait urbain à l'échelle d'un Occident dont la chrétienté latine est l'unificateur principal, tout en ne négligeant pas les différences locales, véritables garde-fous contre une explication univoque.
Ainsi dans quelle mesure les libertés urbaines sont-elles le symbole d'une volonté d'émancipation et d'une certaine singularité de la ville ?
[...] Toutefois, l'« air de la ville ne va pas sans limites puisque les libertés sont partielles, et touchent à des degrés très différents les villes de l'Occident (III). Acquérir la liberté, de la négociation pacifique au conflit ouvert Persistance du cadre seigneurial et volonté d'émancipation La première réalité qu'il convient de rappeler, c'est la relation intime et étroite qu'entretiennent les villes avec le monde seigneurial : les seigneurs possèdent dans des villes, cités ou bourgs, le centre de leur pouvoir. [...]
[...] En effet l'essor urbain a stimulé l'augmentation des ponctions seigneuriales et la pérennité des profits, ce qui peut expliquer l'attitude favorable des seigneurs. Ceux-ci ont tout intérêt à concéder des libertés et privilèges pour stimuler la croissance. Les débats portent donc sur les libertés économiques (droit de circulation des hommes et des marchandises, redéfinition et restriction des prélèvements mais aussi sur l'autonomie judiciaire. Les seigneurs accordent alors aux villes une charte énumérant les libertés ou franchises octroyées à la population. [...]
[...] Outre le domaine économique, les privilèges judiciaires viennent couronner l'aspiration à la liberté. Que les citadins puissent régler leurs différends entre eux constitue un avantage certain et une certaine forme d'autonomie. Juger les affaires courantes à l'amiable sans avoir affaire au tribunal seigneurial est un progrès dont il ne faudrait pas négliger la portée. Le gouvernement des villes comme symbole d'autonomie La possibilité de se gouverner soi-même, corrélée à la naissance des pouvoirs municipaux, institue une autre facette des libertés urbaines. [...]
[...] Le plus important ne réside pas tant dans la forme juridique de la ville, mais dans la conscience d'une communauté soudée par des intérêts convergents. . ou conquises laborieusement Si l'importance des conflits a été récemment nuancée par les médiévistes, il n'en demeure pas moins que les exemples sont suffisamment nombreux pour mettre en exergue le caractère convulsionnaire de la marche à la liberté. Le petit nombre de conflits violents sont l'exemple de situations que les seigneurs comme les habitants ont voulu éviter En Italie la conquête des libertés fut à bien des égards, malaisée. [...]
[...] Si les épisodes de violence ouverte avec les pouvoirs locaux furent plus rares, il existe cependant quelques exceptions. En 1070 au Mans, les habitants de la ville conspirent contre le seigneur Geoffroy de Mayenne et ses exactions, mais la révolte est réprimée militairement par la puissance féodale. La tension est à son paroxysme avec les seigneurs ecclésiastiques, lesquels constituent fréquemment un obstacle au mouvement communal (bien que le clergé ait parfois soutenu l'émancipation comme dans le cas de la ville de Noyon en 1108). [...]
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