Voyage dans l'Empire mongol 1253-1255, Guillaume de Rubrouck, systèmes cultuels et religieux, cour du Grand Khan, invasions mongoles, Saint-Louis, manichéisme, nestorianisme, islam sunnite, Oegödäi, Keu Chan, Mangou Chan, Perse, Chine, chamanisme, lamaïsme, Batou
La conquête de l'Occident. C'est ce qu'entreprennent dès 1236 les Mongols, dont l'empire est puissant : en Chine du Nord, le royaume Kin, est tombé entre leurs mains en 1233, la Perse est occupée depuis 1231. En 1236, le royaume turc des Bulgares de la Kama est détruit ; en 1238, les Qiptchaq capitulent et Moscou est pillée : les steppes de la Russie méridionale sont soumises en 1239 et Kiev est mise à sac en 1240 ; de 1240 à 1241, la Pologne et la Hongrie sont conquises, puis tout au long de l'année 1241, l'on assiste à la défaite d'une armée de 30000 hommes (Polonais, croisés allemands et chevaliers teutoniques) près de Liegnitz, Pest est prise et incendiée. Les Mongols sont partout à la fois. Ils sont comme une vague que rien ne peut arrêter, rien sinon un coup de chance : la mort du Grand Khan Oegödäi le 11 décembre 1241.
[...] Et nous le voyons bien, de nombreux cultes religieux et structures cultuelles cohabitent et tentent de se faire une place auprès du Khan, de sa Cour et de son administration. C'est en cela déjà un fait exceptionnel que d'observer la cohabitation d'autant de cultes et de religions venues chacune de territoires, de zones géographiques et culturelles très différentes : ainsi, nous observons dans le récit de Guillaume de Rubrouck que le Grand Khan Mangou Chan voit dans sa Cour cohabiter et se mélanger (dans leurs pratiques religieuses) des bouddhistes lamaïques, des sarrasins, des nestoriens, mais également des personnes portées vers le manichéisme, le confucianisme, le chamanisme, des systèmes divinatoires et animistes. [...]
[...] La recherche de ce culte, qui n'est pas atteint puisque chaque religion à un rôle plus au moins important à la cour du Khan et donc une influence plus ou moins importante sur lui en fonction du Khan au pouvoir et du contexte sociaux politiques dans lequel il se trouve, est un des éléments qui ressort de ce récit de voyage. En effet, Mangou organise durant le séjour de Guillaume de Rubrouck une sorte de « joute » théologique entre les différents représentants religieux présents à sa Cour. Les secrétaires du Khan résument bien la situation : « Notre maître nous envoie vous dire :''Vous êtes ici, chrétiens, sarrasins et tuins, et chacun dit que sa loi est la meilleure, et que ses écrits sont les plus vrais''. [...]
[...] Comme je l'ai énoncé plus haut, Guillaume de Rubrouck croise tout au long de son voyage des nestoriens. Le nestorianisme est un courant du christianisme, fondé par Nestorius, patriarche de Constantinople au début du V° siècle, prônant deux natures et deux personnes en le Christ, ce qui entraîna sa condamnation lors du concile œcuménique d'Éphèse en 431. Persécuté dans le bassin méditerranéen, mais protégé en Perse sous les Sassanides, son expansion vers l'Orient est remarquable : par mer, il atteint l'Inde et la Chine vers le VII° siècle, mais décline et disparaît quasiment suite à l'édit de 845 ; par terre, le christianisme nestorien atteint le centre de l'Asie vers le VIII° siècle où il s'introduit dans des populations nomades et sédentaires, chez les Ouïgours par exemple et également chez les Naïmans ou les Keraïts, turcs Mongolie ayant subi l'influence civilisatrice des Ouïgours et donc en bonne partie nestoriens, dont les noms chrétiens que les souverains Keraïts portaient encore au XII° siècle contribuèrent à fixer sur eux la légende du Prêtre Jean. [...]
[...] Ainsi, la profession de foi de Mangou est aussi une manière d'affirmer son propre pouvoir : des liens privilégiés unissent le Khan et le Ciel, dont il est l'envoyé ou le représentant parmi les hommes. Le Yasaq, ou Yassa, est le grand texte législatif mis en place sous Gengis Khan, codifie un grand nombre d'interdits communs aux peuples d'Asie centrale, ou plus particulièrement aux Mongols. C'est une compilation de lois ayant une portée juridique, commerciales, militaires, morales et religieuses. En effet, le Yasaq « oblige » les Mongols à ne croire qu'en un seul Dieu et à faire preuve d'une tolérance religieuse, quel que soit le culte. [...]
[...] Il nous a donné les devins ; nous faisons ce qu'ils nous disent et nous vivons en paix. » (chapitre XXXVI). Ainsi, l'on peut observer que l'articulation des différentes religions à la Cour du Khan et avec le Grand Khan lui-même suit une logique, tout d'abord une sorte de jeux d'affections et de pouvoir entre le Khan et les représentants des diverses religions, et également dans un second temps la recherche de la voie la plus juste pour pleinement s'accorder avec les volontés du Ciel dont le représentant sur Terre est le Grand Khan. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture