Plusieurs récits retracent la vie de Radegonde, reine et moniale en Gaule au VIe siècle. On en dénombre quatre. Grégoire de Tours trace son portrait dans la Gloire des confesseurs, Venance Fortunat et Baudonivie, qui l'ont connu personnellement, sont quant à eux ses premiers hagiographes. Il faut mentionner également une troisième Vie rédigée au XI° siècle par Hildebert de Lavardin, évêque du Mans. Cette abondante littérature hagiographique témoigne de la vénération du personnage à l'époque. Parmi ces œuvres les Vies de Fortunat et de Baudonivie regroupées dans le manuscrit 250 (conservé à la bibliothèque de Poitiers) sont abondamment enluminées et constituent par là un document singulier et riche d'enseignement.
Le corpus de documents est constitué de 12 enluminures (terme qui renvoie à l'origine à l'écriture à l'encre rouge, au minium) qui occupent soit un folio entier, soit une partie du folio et sont dans ce cas assorties d'un texte qu'elles mettent en image. Les miniatures mettent en lumière le texte (d'où le terme enluminure) l'illustrent ou le complètent. Dans le cas présent, les recherches considèrent que les enluminures ne sont pas systématiquement fidèles au texte et que les enlumineurs ont pris une certaine liberté pour représenter les étapes de la vie de sainte Radegonde. En l'occurrence ici, il est généralement admis que ces enluminures sont le travail de deux peintres distincts qui sont cependant anonymes. Le manuscrit fut sans doute réalisé dans un atelier de Tours ou de Poitiers. Dans les deux cas, il s'agit de carrefours artistiques importants où se croisent des influences esthétiques venant de la Normandie et du Midi. Mais se sont aussi des villes qui ont fourni de nombreuses autres Vies, elles sont donc spécialisées dans ce type de récit et possèdent des modèles. On date généralement ce manuscrit des années 1100. Il fut sans doute confectionné pour la nouvelle consécration de la collégiale de Sainte-Radegonde. Ce sont donc les chanoines qui pourraient être les commanditaires du manuscrit afin de doter le lieu du culte de la sainte d'une pièce de valeur.
De quelle manière la personne de Radegonde est-elle sacralisée et constitue-t-elle un modèle de vertu ?
[...] Le premier d'entre eux tient par le poignet Radegonde, sa main droite ouverte en guise d'acceptation, tout comme l'homme qui se situe derrière lui. Il s'agit sans doute des gardes du palais, chargés par le roi de lui amener Radegonde. L'attitude de Radegonde est clairement celle d'un refus aux avances de Clotaire. Elle se détourne de celui-ci en levant la main droite signifiant par là un rejet aux propositions du roi. Ce mariage est spécifique, il s'agit d'un mariage par rapt (raubehe). [...]
[...] C'est donc une Radegonde thaumaturge qui nous est présentée à travers ces enluminures. Le don de guérir est l'une des capacités et des traits de distinction des saints. Ici les enlumineurs le mettent à plusieurs reprises en valeur, insistant par là, sur le caractère exceptionnel de Radegonde et sur la sainteté de la diaconesse. Deux scènes de résurrection sont représentées ; f°41 Dans la première Radegonde redonne vie à un laurier planté devant sa cellule. L'abbesse s'adresse à Radegonde à la fenêtre de sa cellule, le doigt pointé vers l'arbuste, elle lui ordonne de lui redonner vie. [...]
[...] On le voit particulièrement bien lors de la scène de mariage du folio 24 recto et lors de la guérison d'une moniale 39 Le monastère qui est le second lieu de vie de Radegonde après le palais royal à partir de 550 (environ) est représenté de manière austère dans les folios 37 recto et verso et 41 recto. C'est la cellule de Radegonde qui est représentée. C'est une petite construction en pierre surmontée d'un toit. Elle symbolise à la fois la clôture monastique qui sépare les moniales des laïques (Radegonde s'adresse toujours par la fenêtre de sa cellule mais n'en sort pas) et la clôture stricte dans laquelle elle se retire les dernières années de sa vie. C'est donc le monastère de Sainte-Croix, dont Radegonde est la fondatrice qui est représentée. [...]
[...] Son rang de saint, la positionne au-dessus des autres. Le cadre spatial traduit au final deux aspects de la vie de Radegonde. Les enluminures retracent son parcours, du palais royal où elle est l'épouse du roi, au cloître où elle offre exclusivement sa vie à Dieu. Enfin, les images rendent compte de sa forte personnalité. Même lorsqu'elle devient reine, Dieu prend une place croissante dans la vie de Radegonde, les nombreuses représentations des oratoires ou de ses actes de dévotion 22 ; 24 dans le palais l'attestent. [...]
[...] Tous ces miracles se produisent dans l'enceinte du monastère comme le montrent les enluminures des folios 37 recto et verso recto recto et 41 recto. A trois reprises on fait appel à Radegonde depuis la fenêtre de sa cellule. Cela montre à la fois son attachement profond à l'isolement et sa volonté de respecter cette règle monastique qu'est l'isolement du monde. Les folios sélectionnés n'incluent pas d'enluminure sur la fondation du monastère. C'est Radegonde même qui fonde ce monastère une fois ordonnée diaconesse. Elle le fait édifier dans le Poitou, sur une terre concédée par son mari. [...]
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