Dans le contexte du grand essor économique que connaît l'Occident dans le courant des Xème-XIIIème siècles, le sens
commun tend à considérer la seigneurie comme une structure parasite, détournant une partie conséquente des fruits de la
croissance pour asseoir et renforcer sa domination sur l'ensemble de la société. Cependant, il ne faut pas omettre le rôle
stimulant de cette aristocratie dans le processus de croissance et d'enrichissement. En effet, les autorités seigneuriales ont
souvent suscité, encouragé et accompagné le dynamisme paysan par des investissements, créant les conditions
indispensables à une croissance des productions et des hommes. En outre, du Xème au XVème siècle, l'encadrement
seigneurial a connu des évolutions très importantes, dont les racines plongent dans la période qui précède le Xème siècle.
LA paysannerie elle-même, loin de constituer un corps social uniforme, connaît une hiérarchisation grandissante,
conséquence de l'ouverture des sociétés villageoises à une économie d'échange de plus en plus importante.
[...] Si le servage juridique se restreint et disparaît, la servitude ne s'éteint pas pour autant. Des paysans libres, endettés au moment des soudures difficiles, sont contraints, sous la pression des créanciers, d'engager ou de vendre leurs terres, ou encore d'accepter de leurs seigneurs des conditions particulièrement désavantageuses qui les installent dans une dépendance de nature non plus juridique, mais économique (alourdissement des redevances foncières et banales). Emerge Source : La vie rurale en France au Moyen Âge (Xe-XVe siècle), Samuel LETURCQ, Cursus Armand Colin 5 donc à partir du XIII siècle un servage de type nouveau, qui ne touche plus que la frange économiquement la plus déprimée et endettée de la paysannerie Les outils de l'aliénation économique : mort-gage et rente constituée Affranchissement et aliénation économique résultent largement de la diffusion de l'économie monétaire dans les campagnes. [...]
[...] Pour les hommes libres, cette domination est avant tout économique, dans la mesure où l'aristocratie laïque et ecclésiastique détient une immense quantité de terres cultivées et incultes dont elle livre l'usage aux paysans en échange de redevances et de corvées. Cette dépendance économique se transforme en aliénation lorsque la détresse et la recherche d'une protection amènent des hommes à mettre leur destin sous la coupe d'un maître. Cette aliénation économique débouche sur une aliénation juridique. La seigneurie implique en effet une domination à la fois économique et juridique, aggravée par une privatisation des droits d'origine publique pesant sur les hommes. [...]
[...] On appelle droit utile l'exploitation effective de la terre et l'usufruit que l'exploitant en retire. L'ensemble des terres sur lesquelles le seigneur conserve le droit utile correspond à une exploitation en faire-valoir direct, que l'on Source : La vie rurale en France au Moyen Âge (Xe-XVe siècle), Samuel LETURCQ, Cursus Armand Colin 1 désigne habituellement sous le terme de réserve Les terres pour lesquelles il abandonne le droit utile sont exploitées en faire-valoir indirect par des paysans qui sont redevables, en compensation, de services et de redevances diverses. [...]
[...] Plusieurs processus président à la dissolution du manse et à l'élaboration de la tenure parcellaire. Les historiens repèrent d'abord un phénomène de dislocation du manse par divisions internes : concessions perpétuelles et héréditaires, les manses tendent à s'émietter du fait de l'accroissement de la population, et dès la période carolingienne, on observe les prémices de cet éclatement avec les mentions de demi-manse voire de quart de manse Ces divisions entraînent une diminution de la taille moyenne des exploitations paysannes. Parallèlement à ce phénomène de dislocation se développent de nouvelles formes de tenures issues de l'accensement de terres défrichées ou prises sur la réserve du domaine. [...]
[...] A l'opposé de ce mouvement de dissolution des réserves des seigneurs laïques, certaines seigneuries ecclésiastiques tendent à renforcer dans le courant du XIIème siècle le poids de leur réserve en créant de très vastes domaines exploités directement. Ce sont les moines cisterciens qui inaugurent ce mouvement, soucieux de suivre la règle de Saint Benoît dans sa rigueur originelle : ils désirent travailler directement leurs terres, eux-mêmes. Forts de cet idéal et de nombreuses aumônes, les cisterciens bâtissent de vastes exploitations qui prennent le nom de granges Toutefois, suite à des difficultés de gestion, ces vastes exploitations se morcellent et doivent être abandonnées Du manse à la tenure : l'évolution de l'exploitation paysanne Si l'organisation bipartite du domaine fut conservée entre le IXème et le XIIème siècle, il n'en va pas de même pour la structure de l'exploitation paysanne : le manse carolingien, qui correspond à une unité de perception des redevances dans le cadre du domaine, s'émiette et disparaît entre le Xème et le XIIIème siècle. [...]
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