La seigneurie de Bordigny se situe en Haute-Normandie, à Evreux, c'est-à-dire dans le département de l'Eure. La réfection du terrier en 1754 s'inscrit dans un vaste processus caractéristique de la seconde moitié du XVIIIe siècle qui consiste à maintenir ou restaurer le complexum feudale. Le terrier est un registre qui renferme « les lois et usages d'une seigneurie, les droits et conditions des personnes et des biens-fonds dans l'étendue de la seigneurie, les déclarations des censitaires, les baux à cens, les procès verbaux des limites de justice et le dénombrement de tous les droits de la seigneurie ». La page de garde de ce terrier présente le fief et son titulaire dont les titres sont énumérés, mais la date de réfection par le feudiste qui en a été chargé n'est indiquée qu'à la fin. En effet, il s'agit de Gabriel Cosnard, sieur des Forges, avocat au baillage de Breteuil. Le terrier permet de présenter la seigneurie de Bordigny dans son ensemble : il situe la seigneurie, donne des précisions sur sa nature et sa situation, notamment son insertion dans la pyramide féodale, donne l'ensemble des droits du seigneur. Vient ensuite la partie la plus longue : le registre énumère tous les articles de la seigneurie, en précisant la contenance et la situation précise de chacun, leur possesseur, les redevances et leur date de perception. A Bordigny, cette présentation des censives se fait sous la forme des aveux des tenanciers. L'aveu de Marin Oury donné en exemple se présente comme un acte juridique faisant foi, signé par le sénéchal et le tenancier et enregistré au baillage de Breteuil moyennant le versement de six sols.
[...] Pour conclure, nous pouvons dire que la seigneurie de Bordigny est exemplaire en ce sens qu'elle présente un grand nombre de traits qui permettent de comprendre comment le système féodal fonctionne au plein cœur de XVIIIe siècle dans une région pourtant relativement proche de Paris, ouverte à une économie d'échange, et dominée socialement par la noblesse et la bourgeoisie des villes. La seigneurie apparait alors comme extrêmement bien organisée et semble avoir une certaine puissance au sein du monde rural. Elle a donc un rôle très important, car elle permet une cohésion sociale en favorisant le travail des paysans. L'étude de ce terrier révèle vite ses limites en particulier parce qu'il ne s'agit que d'un extrait. En effet, elle ne permet pas de connaître les structures de la propriété foncière et permet mal de repérer les évolutions. [...]
[...] Ainsi, nous apprenons que le propriétaire de ce fief se nomme Hector Pierre Ambroise de Barrey et qu'il le tient de son père Hector Pierre Alexandre de Barrey. Nous pouvons donc penser que ce terrier a été réalisé dans le cadre de la succession du père à son fils aîné. En effet, la coutume veut qu'à la mort du père, ce soit le fils aîné qui reçoit l'ensemble du fief indivisible. Ainsi, Hector Pierre Ambroise de Barrey hérite des terres et des titres de don père et devient donc chevalier seigneur des nobles fiefs, terres et seigneuries de Bordigny, Brocard, Broquigny et autres lieux Barrey a donc en sa possession plusieurs fiefs qui font de lui un grand propriétaire. [...]
[...] En effet, il s'agit des appartements privés du seigneur et de sa famille et de leurs espaces récréatifs et personnels : jardins, parterre, chapelle. Mais on trouve aussi les bâtiments pour abriter les troupeaux : écuries, vacheries, bergeries, et ceux qui sont utiles pour l'ensemble de vassaux et qui donnent droit au seigneur à des banalités comme le four, le pressoir ou les moulins. De même, la réserve seigneuriale est composée de plusieurs espaces mis en culture que ce soit avec des arbres fruitiers ou des espaces labourés : seize acres en labour nommé le Couture des Coperches (l.57), une autre couture contenant seize acres en labour (l.59), le Clos Gauthier contenant quatre vergers et demi Ainsi, la réserve seigneuriale est la propriété propre du seigneur, ce qui montre sa supériorité par rapport à ses vassaux. [...]
[...] Ainsi, ce type de document doit être confronté à d'autres sources : actes notariés, vingtièmes fonciers après 1749, inventaires après décès procès mettant en cause l'usurpation de certains droits seigneuriaux. Il n'en reste pas moins qu'il s »agit d'une mine de renseignements irremplaçables pour la connaissance de ce qu'est la seigneurie et de la manière dont elle fonctionne. Bibliographie : - AUDISIO G., Les Français d'hier : tome 1 Des paysans XVe-XIXe siècles, Armand Colin - BEAUREPAIRE P-Y. et GIRY-DELOISON C., La Terre et les Paysans. [...]
[...] Pour cela il est nécessaire d'étudier dans une première comment se présente la seigneurie de Bordigny, c'est-à-dire sa place au sein de la hiérarchie féodale et le pouvoir que cela accorde à son détenteur. La deuxième partie servira à comprendre le fonctionnement de la seigneurie, dans son domaine fieffé et non fieffé. Et enfin la dernière partie sera consacrée à l'étude en détail de l'utilisation du sol et à tout ce que cela implique. I. Fief, terre et seigneurie Le fief et son détenteur Le fief et son propriétaire sont présentés dès les premières lignes du terrier, des lignes 1 à 14, donc dans le premier paragraphe. [...]
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