Dans le christianisme médiéval, deux attitudes coexistent à l'égard du rire. L'une a été introduite par les Pères de l'Eglise et du monachisme grecs, qui révèle que, selon le Nouveau Testament, Jésus, pendant sa vie terrestre n'a pas ri une seule fois. Le rire est donc exclu du modèle d'homme parfait que Jésus a donné dans son Incarnation. Une autre tradition vient d'Aristote, dont le christianisme a toujours plus ou moins accueilli la partie considéré comme « scientifique » de l'oeuvre. Aristote a affirmé que, à la différence des animaux qui ne rient pas, le rire est le propre de l'homme. Quelles ont été les attitudes de la société, les prises de position théoriques à l'égard du rire, et comment le rire, sous ses diverses formes, a fonctionné dans la société médiévale ? (...)
[...] D'ailleurs l'Eglise ne s'y trompe pas. Les autorités ecclésiastique admettent bon gré, mal gré, la nécessité de tolérer le monde carnavalesque, ses renversements périodiques des hiérarchie, ses confusions voulues de la raison et des vérités établies, voire la profanation des autels sacrés et de toutes les autorités des grands de ce monde. C'est une sorte de tolérance contrainte de l'Eglise pour ces activités, comme soupape de sécurité par précaution, pour éviter des contestations plus sérieuses. C'est par exemple, la fête des fous. [...]
[...] Par ailleurs le monde monastique est également contaminé : en 1289, les quarante-six moines de Saint Martin de Tournais avaient quarante domestiques et une écurie de cinquante-sept chevaux. Bref, cet état des choses, justifie l'action d'envergure publique des prédicateurs. Ce qui en revanche, n'est pas commun dans ce texte, c'est qu'un grand seigneur, prince de l'Église, daigne s'arrêter pour converser avec un manant dont il se sait incomparablement supérieur. En effet, les témoignages contemporain déplorent la répugnance des évêques à établir des contacts avec leurs diocésains, voire à prêcher dans leurs propres cathédrales. Les exempla comme celui ci sont donc nombreux. [...]
[...] Le courant misogyne apparaît avant tout dans les textes cléricaux. Aversion envers celles dont la première représentante fut cause du péché originel, sentiment de supériorité à l'égard du sexe faible, mais aussi peur devant les femmes dont les cycles physiologiques sont considérés avec effroi et dont certaines se voient attribuer des pouvoirs maléfiques. La prédication mendiante, qui détient le quasi monopole de la parole nouvelle au XIIIe siècle, est également l'autorité ecclésiastique qui s'est le plus attachée à discréditer la parole féminine, tant par la peur que par le rire. [...]
[...] Tout porte à croire que ce geste tire son inspiration des pieuses ruses cléricales auxquelles confesseurs et prédicateurs étaient invités à recourir dans leur ministère. Mais s'agissant de l'art de convaincre ou de piéger avec le sourire, on l'occurrence des vassaux peu enclins à se lancer dans l'aventure de la croisade, l'anecdote démontre néanmoins à merveille combien l'humour et le rire doivent être distingués. Le premier, lié à un état d'esprit, déclenche le second qui se manifeste par une réaction corporelle. [...]
[...] Enfin, il sert de garde-fou contre la tentation de l'individualisme qui s'est emparée non seulement des prélats, lesquels jouissent d'une indépendance qui le leur permet, mais a aussi atteint tous les degrés de la cléricature. Ainsi, l'Église, et la papauté en premier lieu à rapidement reconnu les bienfaits d'une exploitation bien aiguillée de ce regard extérieur qui s'exprime au travers de l'humour. Instrumentalisé, le rire devient une arme aux mains des prédicateurs II. La domestication, ritualisation et instrumentalisation du rire dans la société médiévale Le roi, la cour et le rire. [...]
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