Depuis plus d'un demi-siècle, les médiévistes français donnent le ton à l'historiographie ouest-européenne dans l'étude des problèmes théoriques de la féodalité. Cela s'explique non seulement par ce que parmi les médiévistes français du demi-siècle écoulé figuraient des savants éminents comme M. Bloch, L. Febvre, F. Braudel, F. Lot, J. Calmette et autres, mais aussi par le lien étroit qui existe entre de nombreux ouvrages médiévaux de cette période et l'analyse des problèmes généraux du processus historique et de la connaissance historique. Un rôle particulier a été joué à cet égard par Bloch et Febvre qui, partant de leurs études spéciales d'histoire du Moyen Age, ont élaboré diverses approches méthodologiques qui ont influé d'une façon déterminante sur la formation de l'école dite des «Annales».
On constate aussi une liaison étroite entre les recherches historiques concrètes et les études théoriques dans les travaux de certains médiévistes, français contemporains, notamment dans un nouveau courant qui s'est formé cette dernière décennie en histoire sociale et qui a pour chef de file G. Duby, P. Toubert et R. Fossier . Accordant, à l'instar de M. Bloch et E. Labrousse, une attention particulière à la structure de classes, aux différences économiques et sociopolitiques entre les classes, aux conditions qui assuraient le développement de la société, les historiens de ce courant ont entrepris une révision cardinale des conceptions de l'essence, du régime féodal et de sa genèse propres à Bloch et à ses émules durant l'avant-guerre et les premières années de l'après-guerre. Du fait que cette révision se fonde pour beaucoup sur de nouvelles données historiques et archéologiques, son analyse critique est un élément nécessaire pour étendre et préciser les connaissances sur la société féodale de l'Europe de l'Ouest.
Pour faire ressortir l'essence de cette révision, commençons par caractériser brièvement les conceptions de l'école de Bloch concernant le régime médiéval. De son point de vue, l'élément fondamental de ce régime en Europe occidentale était constitué par les liens féodo-vassaliques à l'intérieur de la classe dominante. Ces relations s'étaient établies, selon Bloch, au cours d'une longue évolution progressive qui a duré environ 500 ans, à partir de l'époque VIIIe-IXe carolingienne des siècles. Cette évolution, comme il le soulignait, était déterminée par des prémisses tellement variées qu'elles pouvaient influer non seulement sur la structure des relations à l'intérieur de la classe gouvernante, mais sur l'ensemble de l'organisation sociale. Dès le IXe - première moitié du Xle siècle que Bloch appelle le premier âge féodal, toute la société se teinte de féodalisme; cette teinte devient plus visible à la seconde moitié du XIe-Xllle siècle, c'est-à-dire durant le deuxième âge féodal.
[...] Fournier, «Châteaux et peuplements . p e. s. ; R. Fossier, Enfance de l'Europe . pp. 210-211; E. Ewig, «Intervention in R. Fossier, Les tendances de l'économie pp. 181-284. [...]
[...] [15]. Voir Ibid., pp. 288-289; voir également J. P. Poly, E. Bournazel, La mutation féodale. X-XI siècles, Paris [16]. Voir R. Fossier, Enfance de l'Europe pp [17]. P. [...]
[...] Toutefois, ces deux thèses nous apparaissent irrecevables. Le pouvoir des châtelains et de leurs semblables n'est pas né de rien. Ne voir sa source que dans l'appropriation des prérogatives royales signifierait fatalement ériger en absolu la sphère du pouvoir politique. En réalité, le pouvoir des châtelains s'appuyait pour beaucoup sur la propriété foncière, soit héritée, soit nouvellement acquise. Cette dernière, naturellement, ne peut être interprétée comme une propriété privée bourgeoise. Au Moyen Age, la propriété foncière entendait toujours tel ou tel droit sur la personne des producteurs directs peuplant le territoire considéré. [...]
[...] La révision par ces historiens des fondements de la société médiévale est tout autre chose. Rapprochant l'interprétation du régime médiéval de sa compréhension en tant que système social total et historiquement nécessaire, cette révision mérite une attention sérieuse. Cependant, il serait tout aussi injustifié, pensons-nous, de minimiser outre mesure le rôle du fief et de la vassalité que de l'exagérer. Certes, l'on ne saurait considérer les liens féodovassaliques comme la cellule formatrice du féodalisme, mais l'on ne saurait non plus nier leur importance pour unir la classe gouvernante et assurer sa situation dominante. [...]
[...] Une «révolution féodale» des Xe-XIe siècles ? Depuis plus d'un demi-siècle, les médiévistes français donnent le ton à l'historiographie ouest-européenne dans l'étude des problèmes théoriques de la féodalité. Cela s'explique non seulement parce que parmi les médiévistes français du demi-siècle écoulé figuraient des savants éminents comme M. Bloch, L. Febvre, F. Braudel, F. Lot, J. Calmette et autres, mais aussi par le lien étroit qui existe entre de nombreux ouvrages médiévaux de cette période et l'analyse des problèmes généraux du processus historique et de la connaissance historique. [...]
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