Dans les années 880-950, la recomposition des pouvoirs entraîne les établissements réguliers dans une situation traditionnellement qualifiée de décadente. Dans ce contexte d'interférence entre les intérêts des laïcs et la vocation des moines souffle sur les monastères un vent de réforme, qualifiée tantôt de restauratio (restaurer un mode de vie, revenir en arrière), tantôt de renovatio (recréation qui réajuste la vie régulière). Les réformes monastiques sont à l'origine de nouvelles réflexions sur le pouvoir des princes et sur la place des réguliers dans la société (...)
[...] Ces moines doctrinaires contribuent à ériger la vie monastique en modèle de société et de sainteté. Les années 930-1040 sont des temps d'effervescence avec la rédaction de coutumiers, de cartulaires et de chroniques. Les clunisiens instrumentalisent ainsi la vie de leurs abbés et forgent notamment dans la Vie de St Géraud d'Aurillac le modèle du seigneur chrétien. [...]
[...] Cette politique atteste d'un souci de remettre de l'ordre sur le territoire de leur ressort, tout en veillant à préserver intact leurs droits d'ordinaire. Cette attitude réformatrice et cette volonté d'uniformisation s'inscrivent parfaitement dans la tradition carolingienne Des moines en quête de liberté : la recherche de l'exemption Parallèlement au mouvement de restauratio d'un monachisme de type carolingien, certaines abbayes cherchent à construire une vie régulière plus indépendante en prolongeant leur réforme par l'accomplissement d'une renovatio plus radicale qui passe par la rechercher de l'exemption. [...]
[...] Vers 990, le neveu d'Arnoul s'en prend au domaine monastique situé non loin de son château et le rançonne en lui imposant de nouvelles taxes. Abbon s'en plaint au roi Hugues, mais Arnoul étant un puissant et brillant allé politique, le roi déboute l'abbé de ses revendications. Pour Abbon, il convient alors de bâtir soigneusement son argumentaire sur l'autorité de textes canoniques, seuls à être unanimement reconnus. Après plusieurs échecs, Abbon obtient enfin de Grégoire V un privilège d'exemption totale le 13 novembre 997 : soustrait au pouvoir d'ordre et de juridiction de l'ordinaire, Fleury peut désormais ouvrir ses portes à l'évêque de son choix, en appeler à un concile provincial ou au pape si nécessaire, et son abbé dispose du pouvoir de lier et délier des frères, et il est dit premier parmi les abbés des Gaules Fleury n'est pas un cas unique. [...]
[...] Mais la réaction des évêques à cette réduction de leurs pouvoirs est parfois violente. C'est à Cluny que l'exemption atteint son apogée. Les abbés de Cluny, comme ceux de Fleury, voient dans l'épiscopat des acteurs de la société laïque, qui empiètent sur les droits monastiques, et surtout qui accèdent parfois à leur fonction contre de l'argent, sombrant ainsi dans la simonie. Odilon abtient en avril 998 de Grégoire V un privilège d'exemption qui libère son monastère de tous pouvoirs de l'ordinaire, et lui permet de s'adresser à l'évêque de son choix. [...]
[...] Ils deviennent ainsi, le temps nécessaire, abbés des monastères à reformer, dont ils portent le titre instaurant ainsi un système d'abbatiat multiple. Ils n'arrivent jamais seuls mais toujours accompagnés de plusieurs moines (parfois au nombre apostolique de 12) destinés à les soutenir dans leur tâche. Lorsqu'ils estiment que la greffe réformatrice est prise, ils quittent l'abbaye, non sans transmettre la charge abbatiale, généralement à l'un de leurs disciples. La réforme tient donc à la personnalité et au charisme de certains abbés, et des monastères ont fourni un modèle qui s'est exporté en accueillant des frères venus se former ou en envoyant des moines restaurer l'observance dans les maisons qui les sollicitaient. [...]
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