Le procès d’Enguerran de Coucy selon Guillaume de Saint-Pathus

Résumé du document

Le déroulement du procès du seigneur Enguerran de Coucy est ici relaté: ce seigneur comparaît devant le roi pour avoir fait tuer trois jouvenceaux, d'extraction noble, chassant sur ses terres. Suite à une plainte de l'Abbé de saint Nicolas-au-Bois lié à ces derniers, le roi lance une enquête, avant de faire arrêter le sir de Coucy. Au jour du jugement Enguerran rejette l'accusation, après délibération avec des nobles convoqués par le roi pour assister au procès ; il entend en outre prouver son innocence par bataille, mais le roi le refuse fermement. Il lui est alors reproché par Enguérran et les nobles en présence, de faire preuve de « novelté ». Le roi réfute cet argument et fait enfermer le sir de Coucy, malgré les prières des nobles requis, et le condamne en outre à différents types de réparations. Certains nobles, dont le Comte de Bretagne et Jean de Thourotte, présent au procès, tiennent alors devant le roi, des propos manifestant leur vive indignation ; le roi y répond avec fermeté et, par la suite, malgré les plaintes de ses sujets, maintient le sir de Coucy en prison.

Extraits

[...] La justice royale se veut dès lors souveraine ce qui constitue, entre-autre, un moyen de rappeler la suprématie royale face à des vassaux jouissant d'une grande autonomie. Le roi se caractérise ainsi comme un personnage autoritaire qui n'abuse pas de son pouvoir, mais le met au contraire au service de la justice et de l'équité, par piété. Ce récit se présente comme une sorte d'exemple ; il donne à voir la justice telle qu'elle est rendue par la figure du juste ici incarnée par Louis IX. [...]

[...] Le procès d'Enguerran de Coucy fait figure d'exemple puisqu'il est aussi rapporté par le moine Primat dans sa chronique (en 1285). Ce procès, arbitré par un homme érigé au rang de saint, montre un nouveau visage de la justice auquel les seigneurs sont pourtant défavorables. En quoi ce procès se fait-il le symbole d'une nouvelle conception de la justice imposée par le roi à ses vassaux ? Quelle image du roi en découle ? Une étude de l'évolution de cette affaire qui relève d'abord de la justice seigneuriale puis de celle du roi permet de mettre en évidence ce nouveau visage de la justice. [...]

[...] Le droit romain n'est certes qu'un outil, mais il bouscule toute une conception de la justice, d'où le reproche fait au roi de faire preuve de novelté Dans un monde où toute chose puise sa légitimité parce qu'elle s'inscrit dans une continuité, il devient capital pour le roi de prouver qu'il ne déroge pas à la tradition, au moins de manière symbolique. Il fait ainsi allusion au cas de Jean de Sully, qui avait été jugé après enquête et condamné pour crime suite à une procédure rigoureuse. Cette justice procédurale ne remporte pas l'adhésion des barons, qui lui préfère des formes plus anciennes, mais plus arbitraires. [...]

[...] En effet, le procès remet en cause le pouvoir de justice d'Enguerran de Coucy, à travers la mort sans jugement de trois enfants nobles. Les barons prennent donc peur et généralisent le procès à une perte de leur pouvoir de commandement sur leur territoire et ont peur de perdre toute crédibilité pour leurs affaires futures. Jean de Thourotte rajoute ainsi aux barons que le benoît ferait aussi bien de les pendre tous (l.62), ce qui montre véritablement leur crainte. La sentence tombée, les barons vont encore essayer d'influencer le roi pour libérer Enguerran de sa prison, mais celui- ci ne consent pas à leur requête, cela est visible dans le dernier paragraphe, le quinzième, mais le roi ne fléchit pas et ainsi ledit seigneur Enguerran resta en prison. [...]

[...] CARON, Noblesse et pouvoir royal en France XIIIe-XVIe siècles, Armand Colin, Paris - C. GAUVARD, A. de LIBERA, M. ZINK, Dictionnaire du Moyen Age, Presse Universitaire de France, Paris - J. LE GOFF, Saint louis, Paris - O. GUILLOT, A. RIGAUDIERE, Y. SASSIER, Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, tome 2 : Des temps féodaux aux temps de l'Etat, Armand Colin, Paris, 1999. [...]