Le XIIIe siècle comme l'a écrit Jacques Le Goff est le temps des « paroles nouvelles ». Même si certains des documents présentés dépassent le cadre chronologique du XIII siècle, ils s'inscrivent dans cette même continuité. Le recours croissant à la parole publique et par là au discours, surtout dans la partie centro-septentrionale de la péninsule est lié en particulier à deux facteurs. Tout d'abord, le nouvel élan qu'acquiert la parole à cette époque est le fait de la « révolution pastorale » menée par l'Eglise. Le concile de Milan en 1211 et celui de Latran IV, quatre ans après, mettent en place un véritable ministère de la parole qui échoue aux Ordres mendiants. Les frères Prêcheurs par le biais du sermon scolastique et les frères Mineurs par le recours à une prédication théâtrale, se chargent d'une mission éducative auprès des fidèles. L'implantation des Ordres mendiants dans les villes du Nord et du centre puis au Sud à la fin du siècle pallie l'échec du clergé séculier dans sa mission pédagogique. Ainsi en 1233, durant un vaste mouvement de pacification appelé « L'Alléluia », les prédicateurs mendiants jouent un rôle de médiateurs entre les partisans de l'Empereur et ceux du pape. Notons qu'à partir du XIIe siècle, la circulation des textes antiques (essentiellement de Cicéron) sur l'art du discours et de leurs commentaires permet de codifier l'usage de la parole en se basant sur la rhétorique. Deuxièmement le système politique communal du podestat et du popolo à partir du XIIIe siècle nécessite un recours à l'éloquence et aux débats. L'usage de la parole, s'épanouit pleinement dans le cadre des ces institution où le podestat doit imposer ses vues, convaincre les assemblées ou encore trancher des affaires de justice. Les fameuses assemblées populaires où essentiellement des laïcs prennent la parole, amplifient l'impact de la prise de parole sur le gouvernement de la cité.
De quelle manière la prise de parole telle qu'elle découle du modèle scolastique, est-t-elle intrinsèquement liée aux modalités de gouvernement ?
Tout d'abord, la parole et son usage sont le monopole d'un groupe d'orateurs (1) qui s'en servent dans un but politique. La communication orale apparaît donc comme une condition de l'exercice quotidien du pouvoir (2). Mais elle est aussi l'objet de la création d'une véritable éthique de son utilisation (3).
[...] Si la parole est source d'éducation politique, elle s'épanouit également dans le cadre d'une éducation morale et idéologique pour la cité 3.2 La parole au service de la respublica Le sermon religieux en tentant d'apaiser les tensions, et l'éloquence dite laïque en contribuant à rendre le gouvernement efficace, soulignent tous deux un essor de l'idéologie du bien commun. Les textes et 6 s'inscrivent dans cette perspective. L'idéologie du bono commune se fonde sur les sources antiques. Elles visent à consolider le nouvel ordre urbain qui s'instaure. Les auteurs qui élaborent cette idéologie sont tributaires de l'héritage philosophique classique. [...]
[...] La parole qui est jusque là un instrument au service du débat politique, devient elle-même l'objet de confrontation et de convoitises. C'est dans ce contexte que sont établis des actes protocolaires réglementant la parole : De la peine à infliger à ceux qui se lèvent pendant le conseil avant que soient faites les propositions, à ceux qui flattent le podestat et le capitaine et à ceux qui parlent après que le podestat et le capitaine leur ont ordonné de se taire. [...]
[...] Pour Boncompagno, c'est le talent de l'orateur qui met la foule en liesse par son charisme. Il s'agit d'une interprétation politique, même si du point de vue de la rhétorique classique, son discours n'est pas conforme, l'auditoire donne son approbation pour entrer en guerre Ainsi soit-il ainsi soit-il ! (Texte 2 ; l.15)), ce qui témoigne de la réussite de l'harangueur qui a su convaincre en usant d'une tonalité émotive forte. L'exhortation, la condamnation, la louange sont au final les buts de la concio. [...]
[...] C'est le cas pour le cadre politique que constitue la citta. Cette appropriation de l'éloquence par l'autorité politique communale est particulièrement visible dans les textes 3 et 5. De ce point de vue, l'éloquence demeure profondément aristocratique. En effet, la primauté de la prise de parole est accordée aux responsables politiques comme le seigneur (c'est le cas du roi Robert d'Anjou quand il prend la seigneurie sur Gênes), ou aux magistrats communaux (podestat et capitaine du peuple dans le cadre des statuts de la commune de Pérouse). [...]
[...] Ainsi les chroniques de J. de Voragine et de G. Villani s'inscrivent dans la tradition de la chronique ab origine propre à l'histoire universelle. La Chronique de Gênes retrace l'histoire de la ville depuis sa fondation jusqu'en 1297. La Nuova Cronica, composée de douze livres sur l'histoire de la ville de Florence, couvre une période allant de la tour de Babel jusqu'en 1348. Dans les deux cas, c'est le cadre urbain qui est mis en valeur, décrit, glorifié voire idéalisé. [...]
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