Depuis l'époque mérovingienne, le patronage des grands aristocrates laïques sur les sanctuaires, surtout ruraux, est de règle : tout aristocrate peut fonder sur ses terres des églises privées, Eigenkirchen, desservies par des clercs de statut variable, voir implanter des communautés monastiques, Hauskloster et tirer de ces fondations un surcroît de prestige et de richesse. Les évêques eux-mêmes prennent la tête des monastères de leurs diocèses, soit qu'ils en soient les abbés, quoi qu'ils en exploitent le patrimoine foncier (...)
[...] Le contrôle aristocratique absolu, qui était encore admis au début du Xe siècle, y est dénoncé comme un abus de pouvoir. Avec la réforme grégorienne, qui achève de limiter le pouvoir laïc en le discréditant, les grands sont donc contraints de trouver de nouvelles formes, moins institutionnelles, de patronage. Ils peuvent simplement être les donateurs généreux d'une communauté, comme c'est le cas des comtes de Bourgogne vis-à-vis de Saint- Bénigne de Dijon durant tout le XIe siècle. Saint-Bénigne apparaît alors comme leur obligée. Ils peuvent restaurer des sanctuaires ruinés. [...]
[...] Il en résulte d'innombrables conflits opposant les clercs à leurs avoués, qui disposent d'hommes armés. Au milieu du XIe siècle, les premières réactions se font jour pour limiter leur liberté d'action. Certains évêques résistent à la pression de leurs fondés de pouvoir en fragmentant l'avouerie entre plusieurs titulaires, sous-avoués. Les seigneuries laïques de l'empire salien sont organisées autour de ces avoueries emboîtées. Les règlements d'avouerie sont l'autre aspect de la régulation de l'institution : ils tentent de réduire les pouvoirs des avoués en définissant leurs droits et en limitant les nouvelles coutumes qu'ils cherchent à imposer. [...]
[...] En Flandre, les châteaux comtaux sont aussi les lieux d'installation privilégiée des communautés canoniales qui y trouvent refuge dès le début du Xe siècle ; le réunion d'une communauté avec ses reliques et de ce lieu de pouvoir symbolique et réel qu'est le château y est accomplie plus tôt et plus parfaitement qu'ailleurs. Quand Guillaume le Conquérant et sa femme Mathilde installent à Caen le nouveau centre de leur pouvoir, ils y fondent 2 abbayes Saint-Étienne et La Trinité. Liens familiaux entre aristocrates et monastères : moines recrutés au sein des lignages qui exercent leur patronage sur l'établissement. Plus que de pouvoir alors, il faudrait parler d'appartenance à la même communauté, réunissant clercs et laïcs. [...]
[...] Dans le diocèse de Lyon, l'absence de pouvoir royal fort ainsi que d'une famille aristocratique puissante avant la fin du Xe siècle (comtes de Forez), a été le contexte idéal pour une mainmise épiscopale sur les monastères du diocèse comme Savigny. Lorsque l'abbé est un réformateur, il peut enfin lui-même contourner l'exigence de la Règle en acceptant la direction de multiples monastères, puis en plaçant à la tête de la communauté réformée l'un de ses disciples. Cluny, tout en se réclamant de la Règle bénédictine, crée alors une institution anormale, pérennisée par Odon lui-même : l'abbé, à titre personnel, accepte la direction de près d'une vingtaine d'établissements, au gré des demandes de parents et d'alliés. [...]
[...] Les actes des Xe/XIe siècles montrent qu'à l'échelon royal comme aristocratique, les confirmations des concessions octroyées par les ancêtres se font souvent à l'instigation des mères veuves. En 955, c'est poussé par sa mère Gerberge que Lothaire confirme l'immunité accordée par ses prédécesseurs à Saint-Rémi de Reims, dont l'acte précise les liens avec le roi : c'est là que son père Louis IV est inhumé, c'est là qu'il a lui- même été élu roi des Francs et couronné et c'est un lieur que sa mère honore et aime plus que tout autre. [...]
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