Pouvoir, royale, institutions, représentatives, France, Angleterre, XIII, XV
Les historiens ont coutume de distinguer la période de un siècle et demi séparant les règnes de Philippe Auguste en France (1180-1223) et Jean sans terre en Angleterre (1099-1216) et ceux de Jean II le Bon (1350-1364) et Edouard III d'Angleterre (1327-1377) comme cadre de la transition vers, ou plutôt, de la création d'un Etat moderne dans ces deux pays. En effet, même si le terme status n'apparaît qu'à la fin du Moyen-Âge, dans les faits, ces monarchies féodales laissent progressivement place à un Etat moderne où le pouvoir du prince et ses prérogatives régaliennes s'affirment. Le roi passe donc du statut de suzerain, c'est à dire de sommet d'une pyramide hiérarchique, à celui de souverain ne régnant plus de façon indirecte par l'intermédiaire d'un, voire plusieurs seigneurs mais directement sur l'ensemble des habitants de son royaume qui deviennent ses sujets.
On le comprend, on passe d'un pouvoir indirect, très lointain du roi à un pouvoir direct sur l'ensemble de ses sujets. Mais cette construction d'un système politique nouveau, même si il se base sur des éléments existant et de façon empirique, ne va pas se faire sans heurts. En effet, dans les cadres mentaux de cette époque, et même, jusqu'à la fin de l'ancien régime, toute nouveauté était le plus souvent ressentie comme une étrangeté, un danger, une menace. On comprend donc que les « novelletés » impliquées par les prétentions de ces souverains vont être contestées par les gouvernés, c'est à dire non plus seulement par leur vassaux directs mais par l'ensemble des habitants du royaume concernés par ces évolutions. Nos deux pouvoirs royaux vont donc agir de façon empirique, c'est à dire par tâtonnement, avec plus ou moins d'habilité pour faire admettre leur légitimité.
Mais bien que présentant de nombreux points communs, nous l'avons vu, les deux rois vont gérer différemment cette construction politique, cette libération des forces vives du pays contre leur seule personne. D'un coté, on a une monarque français faible, qui a à faire à l'insoumission de ses plus grands vassaux dont le souverain anglais qui lui pose de nombreux problèmes et lui inflige de lourdes défaites comme à Fréteval en 1194. Le monarque français est donc en retard d'un siècle dans cette construction étatique sur son homologue anglais qui de l'autre coté profite d'un pouvoir royal fort supérieur à celui du roi de France sur le plan administratif et militaire. Paradoxalement semble-t-il, ce roi anglais puissant va se voir imposer des institutions représentatives contraignantes, supervisant sa politique quand le pouvoir royal faible en France ce début de XIIIe siècle va engendrer un pouvoir royal fort à la fin de notre période, qu'aucune institution légale ne tempère. Mais alors comment s'est effectué ce retournement de situation. En d'autres termes, pourquoi un roi anglais fort et en avance d'un siècle en ce début de XIII siècle sur son homologue français s'est vu imposer des institutions représentatives coercitives quand celui-ci a pu exercer son pouvoir royal de façon quasi illimitée ?
[...] Le roi d'Angleterre manque même d'être remplacé par Roger Mortimer, l'amant d'Isabelle de France mais son avidité et son arrogance lui attirent les foudres des nobles. Ainsi, l'exécution d'Edmond de Woodstock, frère d'Edouard II en 1330 soulève l'indignation dans la noblesse. Edouard profite de cela pour faire arrêter Mortimer et sa mère, Isabelle de France. Mortimer est condamné à mort sans procès et pendu le 29 Novembre 1330. Isabelle est exilée au Château de Rising. Ces deux faits annoncent une reprise en main du fils d'Edouard II, Edouard, qui n'a alors que 18 ans. [...]
[...] Nous verrons que de 1199 à 1216, le roi français reprend le dessus sur le souverain anglais qui se voit alors imposer des organes de contrôle issus du commun. De 1216 à 1314, cette situation semble se confirmer à la faveur d'une difficile succession ainsi d'un contexte de défaites multiples tandis que le roi de France continue à s'imposer en souverain sans être limité par des institution représentatives. Enfin, de 1314 à 1360 le roi de France doit affronter de nombreuses crises à plusieurs niveaux mais parvient toutefois à conserver sa légitimité et l'exercice presque unilatéral du pouvoir quand ceux du parlement anglais semble s'accroitre. [...]
[...] Ainsi, si l'on pouvait penser que la mort de Jean sans Terre allait changer la donne, elle va au contraire entériner de fait le respect de la charte et le contrôle de la monarchie par le commun quand du coté français, LVIII, LIX et surtout Philippe le Bel vont poursuivre la politique de Philippe Auguste. On peut ainsi opposer un Etat-nation anglais ou la conscience nationale se fait contre le roi et un Etat nation français où la conscience nationale se fait par le roi, en ce qu'il établit lui-même des institutions représentatives qu'il réunit à sa guise et selon des modalités qu'il choisit malgré une humiliation politique forte subie face aux flamands. [...]
[...] Saint Louis avait un prestige tel qu'il inspirait assez de confiance pour penser qu'il aurait un jugement impartial. Il a de façon surprenante tranché contre les barons au profit du roi d'Angleterre contre son intérêt au nom de romain XIII en dévot qu'il était mais aussi surement parce ce qu'il ne voulait pas que le pouvoir vienne du bas. Cela causa la fureur des barons qui mirent à leur tête Simon de Montfort qui fut vainqueur à Lewes de la petite armée du roi et prit le pouvoir à Londres. [...]
[...] C'est ce statut sacré qui n'est pas comparable à celui du roi d'Angleterre qui ne bénéficie en aucun cas de la même aura, qui va donner au pouvoir royal français une légitimité lui permettant de résister à la pression et aux mécontentements, voire d'affirmer toujours plus sa souveraineté en profitant des difficultés du temps, notamment durant la guerre de cent ans pour être le garant de la création de la conscience nationale. En tant qu'instigateur de cette conscience, il va donc lui même mettre en place des institutions représentatives du commun dans un relation d'interdépendance et non pas d'un rapport de force. [...]
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