Le XIVe siècle marque un renversement de situation dans la société médiévale occidentale. L'expansion caractéristique des siècles précédents est ralentie par des conditions climatiques difficiles et l'impression d'un « monde plein » domine.
Dans ces conditions, famines et épidémies se multiplient à travers l'occident médiéval depuis le début du siècle et c'est dans une société déjà fragilisée que l'épidémie de peste la plus ravageuse et la plus traumatisante depuis la peste de Justinien, de 541 à 767 apr. J.-C., fait son apparition. Depuis le foyer asiatique où elle débuta, en Chine en 1337, elle se propage grâce à l'essor du commerce international qui marque le XIIIe siècle et qui favorise son introduction en Italie en 1347 par le biais de rats noirs contaminés introduits dans des navires marchands ayant fait escale dans un comptoir génois. La peste se répand ensuite en France, et dans toute l'Europe jusqu'en Scandinavie. Particulièrement virulente durant les mois chauds, elle se manifeste le plus souvent sous sa forme bubonique, caractérisée par des douleurs musculaires, une forte fièvre, et l'apparition des bubons purulents entraînant la mort parfois en moins de trois jours.
Ce premier retour extrêmement virulent de la maladie en Europe emporte entre un quart et un tiers de la population entre 1347 et 1350, et les XIVe et XVe siècles sont également marqués par des retours, à intervalles irréguliers, de l'épidémie, jusqu'en 1503 où elle disparaît durablement.
[...] La mort est ainsi désormais personnifiée avec de plus en plus de réalisme. La menace qu'elle représente est renforcée par des attributs tels que des instruments de musique, rappelant des mythes tels que le joueur de flûte de Hamelin, ou encore le chant des sirènes, évoquant le pouvoir séducteur et diabolique de la musique. La faux lui est également attribuée puisque c'est à cette période qu'émerge la vision de la mort faucheuse. Certaines fresques exhibent même la personnification de la mort chevauchant un animal chimérique ou mythologique, telle la manticore, par exemple. [...]
[...] Le mot légende est à prendre au sens latin du terme, c'est-à-dire ce qui doit être lu mais dans une société où la majorité de la population ne sait ni lire ni écrire c'est par l'iconographie que le culte des saints se répand, car leur rendre hommage paraît alors être un excellent moyen de reconnaître les miracles de Dieu et, par conséquent, de ramener ses bienfaits sur terre. Dans cette période d'épidémie dévastatrice, c'est le culte des saints guérisseurs qui semble avoir le plus de succès, notamment celui de Saint Sébastien, prétendu thaumaturge du IIIe siècle apr. J.-C., condamné à mort en 288 par l'empereur Dioclétien. [...]
[...] Bien que ces pratiques ne soient que peu répandues, elles illustrent avec force la fixation qui s'installe par rapport au thème du cadavre, désormais présent dans tous les aspects de sa décomposition dans tous les arts. L'architecture change également, passant du style gothique traditionnel au style gothique flamboyant, lourd, imposant, et au programme iconographique largement axé sur la thématique de la mort, marquant une sorte de transition vers le style baroque qui émerge au XVIe siècle. Des représentations de l'apocalypse deviennent fréquentes, comme en témoignent les vitraux de la cathédrale de York, réalisés en 1405, ou les tapisseries de l'Apocalypse d'Angers, réalisées par Nicolas Bataille au XIVe siècle. [...]
[...] Les pèlerinages se multiplient également, ainsi que la recherche et l'adoration des reliques, tout ceci dans un but de rédemption. Les premières réactions aux attaques de la peste noire sont donc le reflet de la peur de l'inconnu et de la mort et entraînent rapidement une modification des mentalités et des pratiques religieuses. La hausse de la piété traduit, quant à elle, le besoin qu'a la population de se rassurer quant au sort qui lui sera destinée après la mort. [...]
[...] L'expiation des péchés ayant échoué, la population se met donc en quête de responsables. B La recherche de coupables Perçu depuis le Haut Moyen Âge comme un peuple déicide et assimilé au personnage de Juda Ischariote, archétype du traître dans la religion catholique, le peuple juif est isolé et est régulièrement l'objet de mesures vexatoires de la part du pouvoir temporel. Dans ces conditions et dans le climat d'incertitude qui règne quant au fléau de la maladie, les juifs sont rapidement accusés d'avoir répandu la peste à travers l'Europe en empoisonnant les puits. [...]
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