Les structures économiques héritées de l'Antiquité se sont tant bien que mal perpétuées en Occident jusqu'au moment ou, dans le courant du VIIe siècle, de profondes mutations commencèrent d'affecter les structures foncières et les principaux horizons de la vie d'échanges, désormais orientés au Nord. Par ailleurs, l'histoire sociale de l'Occident a été marquée, des le V-VIe siècles, par d'importants changements liés au problèmes de la cohabitation des barbares et des autochtones et à leur éventuelle fusion; à un environnement de violence qui tranchait fortement avec le passé de la « pax romana », et contre lequel les individus et la royauté ont essayé de réagir ( les premiers en recherchant la solidarité des liens familiaux ou claniques, la seconde en légiférant pour tenter d'imposer l'ordre social et la paix publique, ce qui deviendrait sous les premiers Carolingiens, Charlemagne en particulier, une véritable obsession).
[...] Ce changement radical est d'abord intervenu dans le nord de la Gaule, sur les domaines du fisc et des grandes institutions religieuses proches de la cour royale, qui ont peut-être voulu compenser ainsi le tarissement du nombre des esclaves. Il s'est vite avéré en effet que le nouveau système était beaucoup plus rentable que l'ancien : un esclave qui a sa maison et son exploitation produit davantage et se reproduit mieux que celui qui est placé sous la houlette d'un intendant qui l'envoie travailler aux quatre coins de la terre du maître, et a la liberté de garder de sa récolte ce qui excède la redevance versée au maître et dont il fait ce qu'il veut (nourrir sa famille, éventuellement en tirer un profit au marché). [...]
[...] On est en droit de s'interroger sur l'efficacité du système. Si un roi fort et prestigieux pouvait imposer ses arbitrages et partant la paix publique (ainsi un Dagobert), un roi faible en était naturellement incapable : ainsi dans la Gaule de la deuxième moitié du VII e siècle, ou les rois étaient incapables de protéger les faibles (que les textes appellent pauperes/pauper, mot qui a donné pauvre et qui n'a donc pas encore le sens de pauvreté économique qu'il a aujourd'hui en français) contre les abus de pouvoir des puissants appelés proceres ou potentes. [...]
[...] Dans la Gaule du Midi, les premiers signes du renouveau n'apparurent qu'aux VIII-IX e siècles. de nouvelles structures agraires et foncières On commence à assister au cours du VII e siècle au début d'un véritable enracinement du village autour de son église et de son cimetière (ainsi en Normandie, à Trainecourt-Mondeville, ou le phénomène a été observé par les archéologues) : la mainmise des hommes sur le sol, accélérée par la christianisation des campagnes, prend un tour définitif. Surtout, on s'achemine vers la fin du latifundium, du fait : - de l'agglutination croissante autour des grands domaines des petits paysans dont l'exploitation devient tenure ; - mais aussi du fait que les grands propriétaires commencent à dépecer leur domaine pour y chasser (comme on dirait caser, c'est à dire y doter d'une maison et d'une petite exploitation) leurs esclaves, qui, tout en gardant un statut servile, ont maintenant l'initiative de cultiver une exploitation gérée par eux quoique dépendante du maître, et l ‘avantage de vivre dans des structures d'habitat à eux. [...]
[...] Ici et là, ils amenaient les produits du nord (esclaves et métaux insulaires, ambre, peaux et fourrures scandinaves), et ils les échangeaient contre du vin, des armes, de l'argent. Ainsi vit-on les Anglo-Saxons fréquenter assidûment au VIII e siècle la foire au vin de Saint-Denis jadis créée par Dagobert ; ainsi vit-on les Frisons créer des colonies marchandes tout au long du Rhin ou de la Moselle, à Cologne, Trèves, Mayence, Worms, Strasbourg Un tel fait, ainsi que la submersion de l'Occident par la monnaie nouvelle, montre à quel point l'Occident s'est ouvert au Nord au moment précis ou commençaient de s'épuiser les vieux trafics en provenance de la Méditerranée. [...]
[...] On les voit surtout dans les villes du Midi (Narbonne, Marseille, Toulouse, Lyon), mais aussi dans des villes du nord à tradition militaire comme Trèves ou Cologne, ou Paris, la capitale de prédilection des Mérovingiens. Dans toutes ces villes, ils assuraient le ravitaillement de marché socialement et économiquement privilégié (cours royales, aristocraties, églises) en produits de luxe venus de la Méditerranée (c'est-à-dire d'Alexandrie, de Byzance, de Carthage) : huile de Tunisie, vins de l'Égée et de Gaza, épices, parfums et fruits d'Orient, papyrus d'Égypte (qui restèrent jusqu'au VII e siècle, sous la forme de rouleaux, les principaux supports de l'écriture). Il s'agissait donc de produits de luxe, sans doute importés en très faibles quantités. [...]
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