La fin du XIe siècle et le début du XIIe avaient assisté au mouvement d'émancipation urbaine. En effet, les années 1070-1120 correspondent, en ville comme dans le monde rural, au paroxysme de la seigneurie châtelaine. C'est aussi le moment où apparaissent les premières contestations du pouvoir des seigneurs sur la ville. La dislocation juridique du sol urbain, la multiplication des péages et l'alourdissement du prélèvement seigneurial lèsent les intérêts d'une classe marchande en pleine expansion. Les bourgeois ont besoin de traiter rapidement leurs affaires qui sont de plus en plus complexes : ils supportent mal la lenteur et l'archaïsme des justices traditionnelles. Ils souffrent du morcellement des pouvoirs, de la multiplication des péages, des excès de seigneurs pillards qui demeurent impunis. En un mot, la ville apparaît « dans la société médiévale comme un corps étranger ».
Pourtant, toutes les villes, à l'origine, sont soumises au seigneur sur le territoire duquel elles ont grandi. La plupart ont essayé d'une façon ou d'une autre d'échapper à sa tutelle. Les bourgeois ne réclament pas l'indépendance ou la liberté mais ils demandent seulement des garanties contre l'arbitraire, des institutions administratives ou judiciaires adaptées à leur genre de vie. Leur mouvement, cimenté par un serment commun de tous les bourgeois d'une ville, appelé « commune », fait scandale. Pourtant, la société féodale reposait elle aussi sur un serment d'aide, mais celui-là soumettait un inférieur à un maître : l'originalité du serment communal est d'unir des égaux. Cette « révolution » communale ne concerne d'abord qu'une petite minorité de villes et se fait rarement par les armes, sauf dans les villes épiscopales du Nord où l'administration ecclésiastique tatillonne se double du mépris des clercs pour les marchands. Là des insurrections éclatent ; en 1112, à Laon. Parfois elles triomphent, parfois elles sont brutalement réprimées. Tout est affaire de rapport de force : certains privilèges sont achetés au seigneur, d'autres lui sont arrachés. Ailleurs, princes et seigneurs se montrent plus compréhensifs. Les uns se désintéressent du mouvement jusqu'au moment où ils sanctionnent la situation de fait.
[...] Les liens d'homme à homme tissés entre le seigneur et ses vassaux structurent le monde des puissants. Seul un homme libre peut aller engager sa fidélité envers un autre, en général plus puissant que lui, dont il devient l'« homme le vassal. La validité de l'engagement peut être enfin scellée par la prestation solennelle d'un serment sur des reliques ou un livre sacré, dont la rupture fait du coupable un parjure, péché très grave aux yeux de l'Eglise. De nature contractuelle, la relation individuelle ainsi créée engendre pour les deux parties droits et devoirs réciproques : ne pas nuire. [...]
[...] La charte de franchise attribue en effet de nombreux avantages aux bourgeois. Le bourgeois, qui désigne à l'origine l'habitant d'une ville, puis l'habitant d'un bourg ou d'une cité bénéficiant de privilèges (coutumes, libertés, franchises, commune), renvoie dans un sens juridique et social progressivement restrictif au membre de l'élite urbaine. Le bourgeois, sous la protection spéciale d'un seigneur ou membre juré d'une commune, se distingue par son régime fiscal et sa richesse. Thibaud attribue aux bourgeois de nombreux avantages, comme en témoignent les lignes 15 à 19 : le produit des amendes levées sur les hommes et les femmes de la communauté de Troyes ainsi que le produit des amendes levées sur les gens étrangers à la justice de la communauté de Troyes appartiennent aux bourgeois de Troyes jusqu'à concurrence de 20 sous En outre, le comte de Champagne met à disposition des bourgeois l'usage de ses fours et moulins (l.48-49), ceux-ci appartenant au seigneur et dont l'utilisation est soumise à une taxe due au seigneur (droit de ban). [...]
[...] Longtemps considérés comme caractéristiques de l'état servile, ces charges ne sont plus désormais reconnues comme un critère aussi décisif, car elles purent être acquittées par certains hommes libres et, inversement, des non-libres en furent exempts. Mais il est incontestable que ces derniers subirent des contraintes en impôt et en travail plus lourdes que celles des libres, auxquelles s'ajoutèrent éventuellement brimades et humiliations qui les laissent privés de recours, attendu qu'ils relevaient de la justice de leur propre maître. b. Les liens vassaliques La charte de franchise faite plusieurs fois référence aux hommes totalement soumis au joug du seigneur. [...]
[...] Ils sont donc bien armés pour prendre en main le gouvernement de la cité, d'autant plus qu'ils ont su édifier une solide fortune. Or, la révolution commerciale a permis de rapides ascensions sociales et l'émergence d'un patriciat urbain. Après 1200, celui-ci acquiert une domination sans partage sur les villes, aux dépens des anciennes élites, aristocraties urbaines ou officiers seigneuriaux. Comme en témoigne la charte de franchise, le produit des amendes levées sur les membres de la communauté troyenne est partagé entre le seigneur et les bourgeois (idem pour les fausses mesures l.21-22). [...]
[...] Compétences du maire et des jurés de Troyes (levée d'impôts, décisions judiciaires ) La charte de franchise attribuée à Troyes est novatrice dans la mesure où elle met en place la création d'institutions intermédiaires destinées à établir une répartition plus juste et collégiale des pouvoirs. Les plus fortunés peuvent bénéficier ainsi de la prévôté et de compétences judiciaires. Le prévôt est l'intendant d'un domaine seigneurial qui a pour rôle d'administrer, de juger et de percevoir les taxes. La charte introduit l'élection annuelle de 13 hommes de la communauté de Troyes par le comte ou d'autres de ses gens (l.26-27). Ces treize individus sont chargés d'élire maire l'un d'entre eux quinze jours après leur nomination (l.28). [...]
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