J. Le Goff part du constat que ce qui survit du passé, sous la forme de sources textuelles, architecturales ou archéologiques, etc., n'est jamais la somme de ce qui a existé dans ce passé, mais le résultat d'un choix opéré dans ce legs, par les forces sociales et politiques au cours du temps d'une part, par ceux-là mêmes dont c'est la fonction professionnelle d'étudier le passé, les historiens, d'autre part.
Bref l'histoire est la forme scientifique de constitution non seulement d'un savoir « objectif » (ou qui cherche à l'être) sur les êtres et les choses du passé, mais aussi d'une mémoire collective qui ne retient que ce qu'elle veut bien retenir de ce passé.
À ce titre, Le Goff distingue deux types de matériaux susceptibles de constituer la mémoire du passé : les « monuments » et les « documents ». Sur le fond, on va le voir, la différence n'est pas fondamentale ; disons que, en apparence du moins, l'intervention du pouvoir politique et/ou religieux dans la constitution des monuments du passé est plus nette, plus aisément discernable, que dans celle des documents (...)
[...] Ces considérations expliquent qu'au XXe siècle, un débat de grande portée méthodologique et historiographique (adjectif qui signifie en gros : comment et pour qui on écrit l'histoire) se soit engagé à propos des sources. Il a été largement et magistralement impulsé par l'École historique dite des Annales (du nom de la revue fondée par ses animateurs) et poursuivi par Jacques Le Goff, sur qui je m'appuie principalement ici Monuments et documents : deux statuts complémentaires des sources historiques J. Le Goff part du constat que ce qui survit du passé, sous la forme de sources textuelles, architecturales ou archéologiques, etc., n'est jamais la somme de ce qui a existé dans ce passé, mais le résultat d'un choix opéré dans ce legs, par les forces sociales et politiques au cours du temps d'une part, par ceux-là mêmes dont c'est la fonction professionnelle d'étudier le passé, les historiens, d'autre part. [...]
[...] Cette croyance dans la valeur intrinsèque du document explique la lente mais progressive supériorité acquise, comme matériau de l'histoire, par celui-ci sur le monument. Marche lente : monument est un mot encore très utilisé au XVIIIe siècle pour désigner les sources historiques, même si dès 1681 Mabillon dans son De re diplomatica De la Diplomatique qui est la science auxiliaire, la méthode permettant l'approche technique des textes non littéraires) a jeté les bases d'une exploitation scientifique du document ; au XIXe siècle encore, la création comme on l'a vu de Monumenta Germaniae Historica en Allemagne, et l'utilisation du même terme en Italie pour les éditions de documents, de façon significative dans des pays en cours de construction, non encore unifiés, montre que ce mot correspond à une certaine conception des sources, signes de mémoire nationale. [...]
[...] Que le haut Moyen Âge est une époque de faussaires où le positivisme doit se contenter d'un travail de démolition ? Évidemment non : dès le Moyen Âge central, l'Église a déclenché dans ses propres rangs la lutte contre les faux (les papes Alexandre III et Innocent III en particulier, aux XIIe-XIIIe siècles) ; en 1440 ; l'érudit humaniste Lorenzo Valla démontrait dans son ouvrage, De falso credito et emendita Constantini donatione declamatio (publié en 1517 seulement par Ulrich von Hutten, un ami de Luther) ; on n'a donc pas attendu les techniciens positivistes du XIXe siècle pour authentifier les documents. [...]
[...] Ces conceptions qualitatives nouvelles en matière de sources a même permis de relancer récemment des champs traditionnellement délaissés, car marqués du sceau positiviste de l'histoire : en étudiant les acteurs concrets des relations entre États, leur formation et leurs méthodes d'action, ou encore les hommes qui composaient les armées, leurs relations avec le reste de la société, etc., l'histoire diplomatique et l'histoire militaire se sont profondément renouvelées. La révolution documentaire est passée aussi par des mutations quantitatives, largement favorisée, mais non conditionnée, par l'avènement de l'informatique. [...]
[...] Monuments et documents historiques : brève esquisse d'un usage variable des sources de l'histoire médiévale Introduction : On peut en guise d'introduction essayer de s'expliquer sur le libellé du cours, commun à trois périodes, Outils et Méthodes de l'Histoire du moins sur le sens qu'il peut revêtir en histoire du Moyen Âge occidental. Concernant la notion d'outils, il s'agit de présenter les matériaux bruts dont se sert l'historien pour faire son métier, ce qu'on nomme aussi ses sources ; comme on se concentrera sur les sources textuelles, on doit d'emblée préciser que le qualificatif de brut est en soi éminemment contestable : autant on peut (à la rigueur) le justifier pour les sources archéologiques, dont il ne sera pas question ici, autant pour les textes on ne peut l'utiliser sans naïveté ; tout texte, comme on le verra plus loin, même le plus apparemment objectif factuel, concret, consiste en réalité dans un montage sélectif d'informations, montage dont il appartient à l'historien de restituer l'économie. [...]
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