Le retirement des moines est présenté comme une indifférence face à la société et au reste de l'Eglise. Cette image du moine coupé du siècle contre des laïcs en abusant a longtemps prévalu dans l'historiographie. Pourtant les richesses étaient réservées aux plus riches et le monastère offrait un refuge aux difficultés quotidiennes. Ainsi on n'a pas un refus de la société mais les monastères sont au contraire un enjeu patrimonial et familial des grands. En France et en Bourgogne, les moines sont de même parfois des hommes de pouvoir.
Ils récupèrent ainsi le pouvoir des comtes qui s'exerçait sur l'Eglise. Exemple de la famille des comtes de Cornouailles en Bretagne qui quadrillent le pouvoir laïc et religieux régional. Cette « vocation théocratique » se transcrit d'abord par le contrôle des élections épiscopales qui permet un bon ancrage. Le contrôle des réguliers est lui aussi significatif à l'image d'Emma de Blois qui fonde un monastère à Bourgueil. La fondation de monastères apparaît comme un moyen d'asseoir un pouvoir parfois encore fragile (abbatiat laïcs des comtes de Filandres pour rétablir l'unité).
[...] A partir de 1040, le pape octroie plus facilement l'exemption mais les faux perdurent (faux des moines de Bourgueil de Sylvestre II pour l'octroi d'une petite exemption) Une vision ecclésiologique du monde Odon de Cluny (927-942) développe une vision ecclésiologique du monde avec une société hiérarchisée où les moines sont au sommet, les grands laïcs ne faisant qu'exécuter la volonté divine. Hiérarchie morale et fonctionnelle qui place les moines au sommet entre hommes et anges. Il argumente sa position pour l'exemption en mettant en avant la primauté de Pierre comme unité de l'Eglise, les synodes et conciles la mettant en péril. Avec l'essor des écrits (coutumiers, cartulaires, chroniques) entre 930 et 1040, le modèle monastique est présenté comme le modèle parfait de société. [...]
[...] Parfois la réforme ne prend pas et il faut la relancer. Exemple à St Nicaise restauré vers 1055 mais qui s'effondre sous l'abbatiat de Manassès en 1081. Une nouvelle réforme est lancée par l'archevêque Renaud avec l'abbé de Saint Rémi de Reims. La réforme s'inscrit dans la lignée de réforme de St Benoît d'Aniane autour de la Concordia regularum. Cas de Cluny où dès la fondation en 910, on s'inscrit dans une stricte indépendance dans l'esprit de réforme carolingienne. Pour autant le mouvement de réforme est loin d'être généralisé mais plutôt diversifié par la géographie et les modalités. [...]
[...] Exemple à Marmoutier en 995 où les frères se révoltent contre l'abbé Bernier envoyé par Cluny en l'accusant de meurtre, incendie et mœurs douteuses. L'abbé est alors remplacé et le calomniateur envoyé en pénitence à Jérusalem. Il existe encore d'autres cas d'accusations d'abbés au cours de notre période. La mainmise des laïcs : réalité ou discours grégorien d'usurpation des biens d'Eglise ? Thèse très défendue dans l'historiographie. On dénonce l'usurpation des biens temporels et la récupération de l'abbatiat. Exemple en Flandre où les comtes comme Baudouin II n'hésitent pas à faire violence pour contrôler Saint-Bertin. [...]
[...] Les monastères changent au gré des alliances et revers des grands. Ce contrôle s'inscrit dans le prolongement du contrôle des sièges épiscopaux. Participation au retour de la vie régulière mais avec contrôle courant de la désignation de l'abbé. Le contrôle est parfois créateur de conflits (rivalité entre la famille de Fos et les comtes de Provence pour St Gervais de Fos). Les moines peuvent aussi prier pour le salut des âmes des grands en intercédant entre ici bas et l'au-delà. [...]
[...] Fréquente opposition aux réformateurs venus de Cluny. Après avoir imposé Itier de Cluny à Savigny, l'abbé clunisien Odilon est désavoué lorsqu'à la mort d'Itier les moines choisissent un abbé local. Parfois la violence est telle qu'il faut expulser les moines récalcitrants manu militari comme à Vézelay en 1026 Profil des réformateurs Figure des clunisiens (Odon, Maieul, Odilon, Guillaume de Volpiano, Gérard de Brogne). Ceux-ci réforment parfois plusieurs monastères à la fois en devenant abbé du lieu le temps de la réforme. [...]
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