Si le monachisme est bien né d'une volonté spirituelle de retrait du monde, il n'est pas en revanche un refus de la société. Les monastères restent au Xe siècle en Francie occidentale et en Bourgogne, des éléments des stratégies patrimoniales et politiques des grands. Ils sont donc des lieux de pouvoir à double titre : d'abord parce que les puissants utilisent les monastères comme des éléments au service de leurs ambitions personnelles et de leurs stratégies familiales ; mais aussi parce que les moins - au moins certains - sont des hommes de pouvoir, reconnus et sollicités (...)
[...] La géographie des influences clunisiennes devient vite tentaculaire. On peut distinguer 3 étapes : de simple monastère, Cluny devient un réseau monastique qui se structure peu à peu en Ecclesia. Sous Odon, l'ensemble des maisons n'a aucune unité structurelle, une certaine hiérarchie apparaît avec Maïeul mais les abbayes réformés par les abbés de Cluny restent totalement indépendantes. C'est avec Odilon que tout change : grâce aux privilèges de 998 étendus en 1024 à tous les clunisiens où qu'ils se trouvent il peut fédérer autour de Cluny un réseau unifié qui intègre les monastères réformés comme des maisons clunisiennes à part entière ; et où qu'il soit, Odilon reste abbé de Cluny. [...]
[...] La règle n'est plus de mise dans les monastères où des abbés laïcs résident avec femmes, enfants, soldats et chiens De même, vers 920, après plus de 30 ans d'exil pour fuir les incursions des hommes du Nord, des moines du Der rentrent pour retourner dans leur cloitre afin d'y réinstaller leurs reliques, mais trouvent une église ruinée, couverte de ronces et d'immondices, et en chassent des familles entières qui vivent là sous la direction de l'abbé Benzo qui n'a pas pu voulu ? - éviter débauche et dilapidation des biens monastiques. Au même moment, les frères de Fleury ont certainement pris des libertés avec la règle, au point que la plupart d'entre eux voient d'un très mauvais œ€il l'arrivée d'un réformateur en la personne de l'abbé Odon de Cluny. La mainmise des laïcs : réalité ou discours grégorien d'usurpation des biens d'Église ? [...]
[...] Pour Abbon, il convient alors de bâtir soigneusement son argumentaire sur l'autorité de textes canoniques, seuls à être unanimement reconnus. Après plusieurs échecs, Abbon obtient enfin de Grégoire V un privilège d'exemption totale le 13 novembre 997 : soustrait au pouvoir d'ordre et de juridiction de l'ordinaire, Fleury peut désormais ouvrir ses portes à l'évêque de son choix, en appeler à un concile provincial ou au pape si nécessaire, et son abbé dispose du pouvoir de lier et délier des frères, et il est dit premier parmi les abbés des Gaules Fleury n'est pas un cas unique. [...]
[...] Parfois la greffe de la réforme ne prend pas ou ne dure pas, et doit alors être renouvelée. > ainsi, après une première réforme fructueuse dans les années 985, St Germain d'Auxerre traverse dans la seconde moitié du siècle des temps difficiles : son abbé Guivert est déposé en 1096, et appelle à une seconde réforme qui se fait dans la douleur et l'hésitation, au bénéfice final de Cluny. La réforme monastique du Xe est donc diverse, mais on peut distinguer 2 formes principales : une tendance réformatrice qui puise au sources carolingienne pour en maintenir les structures une conception plus rénovatrice qui orient son action vers une quête d'indépendance des moines vis à vis de la tutelle juridique de l'ordinaire Mais les 2 ont un point commun : elles s'inscrivent dans la lignée de la réforme orchestrée par Benoit d'Aniane autour de la Concordia regularum sous Louis Le Pieux. [...]
[...] Définir l'exemption n'est pas chose facile (au moins avant Alexandre III, 1154-1181) car elle comporte différents degrés si bien que sous le même mot se cachent des réalités assez différents. Depuis le Ve siècle, plusieurs conciles ont réaffirmés la soumission des monastères à l'autorité de leur évêque diocésain. Ces prérogatives de l'ordinaire sont des droits juridiques (confirmation de l'élection abbatiale, contrôle de l'administration du temporel, notamment par le droit de visite . ) mais aussi liturgiques et sacramentels (ordination des clercs, consécration des autels et des oratoires, célébration de messes . [...]
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