A l'époque carolingienne, les moines et les laïcs sont deux ordres clairement distingués, voire séparés, à la fois par leur mode de vie et leur insertion dans le siècle. Comme l'ont montré de nombreux travaux récents, les relations entre ces deux groupes sont toutefois complexes, croisées et riches d'enjeux de pouvoir de la part de chaque protagoniste, entre la fin du IXe et le début du XIIe siècle.
Les « moines » sont des hommes qui choisissent de vivre à l'écart du monde, généralement en communauté, astreints à une vie de prière et de chasteté. Les « laïcs », que l'on appelle aussi les « conjoints » par leur vocation au mariage, mènent une vie dans le siècle et y exercent principalement deux fonctions sociales : l'exercice du pouvoir, c'est-à-dire la défense des faibles par les armes et par la justice, lorsqu'ils appartiennent à l'aristocratie ; le travail, généralement agricole, lorsqu'ils ne sont pas nobles.
La période envisagée, comprise entre la fin du IXe siècle, commencement des réformes monastiques, et le début du XIIe siècle, moment où meurt l'abbé Hugues de Semur à l'apogée de Cluny, permet ainsi d'envisager tout la complexité des relations entre ces deux groupes sociaux. La question centrale sera de cerner dans quelle mesure l'évolution des rapports entre les moines et laïcs crée et révèle, tout à la fois, la construction de l'Église en tant que pouvoir autonome d'autres types de pouvoir.
[...] La rupture de l'amitié, lien social fondamental, révèle, participe et construit tout à la fois une Eglise autonome, à l'écart des pouvoirs laïcs. Cet idéal d'indépendance de l'institution ecclésiale est né dans les milieux monastiques réformateurs, a été conforté dans les premières seigneuries monastiques, ayant d'être généralisé et repris à son compte par l'institution pontificale. En ce sens, l'Eglise théocratique et autonome des pouvoirs temporels, telle qu'elle est revendiquée par les papes grégoriens, est largement le fruit du réagencement des relations entre moines et laïcs par les réformateurs cénobitiques. [...]
[...] Conclusion Entre la fin du IXe siècle et les premières années du XIIe siècle, les rapports entre moines et laïcs sont marqués à la fois par des permanences, notamment la forte imbrication de leurs préoccupations et de leurs intérêts, et des nouveautés. De ce point de vue, le fait le plus notable est la distinction des sphères temporelle et spirituelle, portée un temps par le monachisme réformateur puis diffusée et mise en œuvre au moment de la crise grégorienne. Elle a en effet des conséquences sur la construction des seigneuries monastiques comme laïques, sur les rapports entre l'ordo des moines et celui des laïcs, comme sur le rôle de ces derniers dans le monde. [...]
[...] L'aristocratie dispose ainsi de ressources non négligeables, en particulier par la détention de la mense abbatiale, manne de biens susceptible de rémunérer les fidélités. Il ne faut toutefois pas trop exagérer cette emprise laïque sur les monastères et leurs habitants, dans la mesure où celle-ci est longtemps considérée comme légitime, puisqu'elle consacre l'amicitia, l'amitié, entre moines et aristocratie laïque. L'amicitia et la circulation des biens entre moines et grands laïcs Moines et grands laïcs sont unis par l'amicitia, une relation positive (Patrick Geary) qui préside à leurs échanges matériels et spirituels et qui en est confortée. [...]
[...] Moines et laïcs (fin IXe/début XIIe siècle) Introduction A l'époque carolingienne, les moines et les laïcs sont deux ordines clairement distingués, voire séparés, à la fois par leur mode de vie et leur insertion dans le siècle. Comme l'ont montré de nombreux travaux récents, les relations entre ces deux groupes sont toutefois complexes, croisées et riches d'enjeux de pouvoir de la part de chaque protagoniste, entre la fin du IXe et le début du XIIe siècle. Les moines sont des hommes qui choisissent de vivre à l'écart du monde, généralement en communauté, astreints à une vie de prière et de chasteté. [...]
[...] Après les réformes, l'amicitia persiste d'ailleurs par l'encouragement des donations à l'abbaye restaurée. La mise en place de seigneuries monastiques Dans certains cas isolés du royaume de France, la réforme va toutefois de pair avec une mise à l'écart effective de l'emprise de l'aristocratie laïque sur les moines et leurs patrimoines, qui entérine la mise en place de seigneuries monastiques. Les premiers abbés de Cluny s'appuient ainsi sur les autorités pontificales et royales pour mettre leurs biens et leurs dépendants à l'abri de toute ingérence extérieure. [...]
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