Lettre d'Innocent III à Jean sans Terre (31 octobre 1203)

Résumé du document

La lettre d'Innocent III à Jean sans Terre datant du 31 octobre 1203 vient s'ajouter à la doctrine de cette période du début du XIIIème siècle qui redonne au roi la primauté de l'autorité politique. Cette primauté le place au sommet de la hiérarchie féodale.
La féodalité est un système politique où l'autorité centrale a été affaiblie; le pouvoir souverain est délégué à des principautés, des fiefs ou des fédérations gouvernés par des seigneurs et destinés à stabiliser la région. Les comtes et les grands propriétaires se substituent localement au roi et exercent les mêmes droits que lui dans leurs seigneuries.
Innocent III, né en 1160, de la noble famille des comtes de Segni, a été cardinal à l'âge de 50 ans par son oncle Clément III et fut élu à l'unanimité pape alors qu'il n'était encore que diacre en 1198. Il s'était donné pendant toute la durée de son pontificat, trois objectifs principaux : procurer la réforme des mœurs dans le clergé et dans le peuple, susciter une croisade en Orient et affranchir l'Église de la domination des princes temporels. Jean sans Terre, de son vrai nom Jean d'Angleterre, fils cadet d'Henri II Plantagenêt, né le 27 décembre 1166, attend longtemps en vain de recevoir une part des domaines paternels, en Irlande ou en France ; son mariage seul lui vaudra le comté de Gloucester. Opposé à son père, envieux du sort de son frère Richard Cœur de Lion, il lutte d'abord avec celui-ci contre la domination paternelle. À partir de l'accession au trône de Richard, en 1189, et, pendant les dix ans de son règne, il se signale surtout par des tentatives répétées et avortées pour s'emparer du pouvoir en l'absence du roi parti pour la croisade ou dans la France du Sud. Il fut duc de Normandie de1199 à 1204 et roi d'Angleterre de 1199 à 1216. Cette période est très importante en ce qu'elle est fondatrice de l'établissement des hiérarchies de souveraineté, de suzeraineté, de vassalité, bref de la féodalité. Jean sans Terre à son accession au trône d'Angleterre commença à solidifier ses possessions en France. Dès son intronisation, Philippe Auguste lui opposa son neveu, Arthur de Bretagne, fils de son frère aîné déjà décédé, Geoffroy, et dont les droits au trône primaient sans doute les siens. Après une courte réconciliation, le conflit reprit à l'occasion d'une plainte d'un de ses vassaux du Poitou, Hugues de Lusignan, comte de la Marche. À la suite d'un conflit d'ordre privé avec Hugues de dont il avait épousé la fiancée, Jean avait dépossédé ce dernier de ses fiefs. Hugues fit alors appel à Philippe Auguste, qui était le suzerain de Jean pour ses possessions françaises ; Le roi de France, immédiatement, décida de le sanctionner. Innocent III avait d'abord soutenu Jean sans Terre contre Philippe Auguste qui avait voulu négocier la paix. Ainsi, en 1203, Innocent III envoya une lettre à Jean sans Terre pour résumer un peu les faits de l'an passé, ce dernier ayant négligé toutes les invitations du roi qui le jugea. En effet, selon la théorie de Suger le souverain peut convoquer son vassal pour le juger. Dans notre cas, Jean sans Terre viola son obligation de conseil.

Cette lettre a deux intérêts. Le lien vassalique dans un premier temps : les rapports vassalico-feodales (I). Dans un second temps, un lien féodal : la commise des terres de Jean sans Terre entrainant l'extension du pouvoir royal (II).

Extraits

[...] Dans notre cas, Jean sans Terre viola son obligation de conseil. Cette lettre a deux intérêts. Le lien vassalique dans un premier temps : les rapports vassalico féodaux Dans un second temps, un lien féodal : la commise des terres de Jean sans Terre entrainant l'extension du pouvoir royal (II). I. les troubles entre vassaux et suzerains : deux cas de figure Il conviendra de voir que le suzerain a trahi son vassal et réciproquement que le vassal avait été déloyal envers son seigneur A. [...]

[...] Le roi Philippe Auguste a eu la volonté de hiérarchiser les liens féodaux vassaliques avec au sommet de la pyramide le roi ; les vassaux de ses vassaux sont aussi devenus ses vassaux. C'est l'exemple contraire du célèbre adage du moyen âge le vassal de mon vassal n'est pas mon vassal Il n'avait donc pas besoin de multiplier les hommages qu'il ne faisait prêter qu'aux grands seigneurs. Il arrivait comme on a vu avec Philippe Auguste et Jean sans Terre qu'il y ait un conflit. [...]

[...] En effet, il commence à rattacher et à réunir des fiefs au domaine royal. Ainsi, comme nous l'avons dit un peu plus haut, il conquière la Normandie, le Maine et l'Anjou. Aussi, en 1202, le pape Innocent III dans la décrétale Per venerabilem a écrit le roi de France ne connaît pas de supérieur au temporel Ainsi, il reconnaît la supériorité du roi de France sur tous les suzerains et barons. Le roi de France Philippe Auguste et ses juristes ont pris cette phrase à leur compte pour asseoir sa place. [...]

[...] Il y a donc ici une certaine infidélité d'un suzerain envers son vassal, une rupture sèche du contrat passé antérieurement. Cette plainte du vassal au suzerain, poussé par la plainte des spoliés est référée au souverain. Le schéma est simple : un vassal se plaint de son suzerain, il va ainsi aller devant le suzerain de son suzerain, en l'occurrence Philippe Auguste roi de France pour déposer une plainte. Philippe Auguste a demandé plusieurs fois à Jean de restituer les biens volés, qu'il fasse réparation Il apparaît que Jean sans Terre n'a pas répondu de ses promesses. [...]

[...] Lettre d'Innocent III à Jean sans Terre (31 octobre 1203) La lettre d'Innocent III à Jean sans Terre datant du 31 octobre 1203 vient s'ajouter à la doctrine de cette période du début du XIIIème siècle qui redonne au roi la primauté de l'autorité politique. Cette primauté le place au sommet de la hiérarchie féodale. La féodalité est un système politique où l'autorité centrale a été affaiblie ; le pouvoir souverain est délégué à des principautés, des fiefs ou des fédérations gouvernés par des seigneurs et destinés à stabiliser la région. [...]