L'enquête sur l'économie carolingienne est intéressante pour au moins deux raisons qui se rejoignent : la comparaison avec d'autres grands ensembles politiques contemporains (Byzance, l'Islam) ; l'évaluation du rôle de cette période dans l'histoire de l'Occident médiéval. Le point commun à ces deux interrogations : l'économie carolingienne fut-elle une période de déclin de l'Occident ? Plus exactement : fut-ce une simple économie de subsistance, presque purement agricole, correspondant à un monde autarcique, ou bien les paysans et les domaines carolingiens produisaient-ils des surplus commercialisables, supposant l'existence d'un secteur artisanal voire « industriel », et permettant celle d'un secteur tertiaire ?
[...] Dopsch qui dans ses ouvrages des années 20 a insisté au contraire sur la vigueur des phénomènes urbain, monétaire, commercial sous les Carolingiens) ; il renoue ainsi avec une vieille historiographie de la fin du XIXe siècle, qui centrait son propos sur la prédominance en Occident du haut Moyen Âge du grand domaine (voir plus loin la définition) comme point majeur sinon unique d'organisation économique (ce que les Anglais nomment le système manorial ; première contestation (dès les années la disparition des marchands syriens de la documentation occidentale, où Pirenne voyait l'un des fondements essentiels de sa thèse, ne fut ni si totale ni si précoce (711 au plus tard, disait Pirenne) qu'il le croyait ; surtout, M. Lombard dans les années 40 et 50 a mis en avant le rôle fondamental pour l'Occident de l'or musulman : les marchands orientaux achètent et paient dans ce métal les esclaves capturés par les Carolingiens (chez les Slaves : le mot vient de là), mais aussi le bois, les fourrures, etc. Même si le grand historien numismate P. [...]
[...] On dira donc : que la réserve est de taille très variable (200 à 300ha), phénomène intrinsèquement lié à la nature des prestations en travail dues par les tenanciers ; parfois, la surface des bois est très supérieure à celle des terres arables, c'est le cas à Montiérender, qui dépasse de loin Saint-Germain-des-Prés sur ce plan ; en gros, le rapport réserve /tenures est le plus souvent de l'ordre de 1 à 2,5 ou 3 (c'est-à-dire qu'un tiers du total est constitué par la réserve) ; plus les domaines sont petits, plus les réserves sont grandes en proportion, et voient travailler des esclaves plutôt que fonctionner les services des paysans ; que le manse, terme apparu au second VIIe siècle en région parisienne comme équivalent technique de tenure, devient la base territoriale pour l'assiette des redevances, des services, etc. ; plus le domaine (donc le manse) est ancien, plus sa taille moyenne diminue : les grands manses signalent des domaines récents (cf. [...]
[...] Conclusion Justement, deux points méritent d'être abordés pour finir : le poids de l'intervention de l'État dans l'économie ; et le rôle de la période carolingienne sur ce plan : période de déclin, ou au contraire premier essor de l'Occident ? - sur l'intervention de l'État : on possède quelques documents (tous relatifs à l'agriculture) allant dans ce sens, mais leur interprétation pose de gros problèmes : peut-on parler de véritables mesures économiques attestant l'existence d'une politique agraire postulée par certains historiens, ou d'autres motifs (fiscaux, militaires, de prestige ) ont-ils inspiré ces actions de l'État ? [...]
[...] Même à propos de ce dernier point, on ne peut parler, au moins à court terme, de mesure politique ; cela vaut pour la monnaie, attentivement surveillée par les Carolingiens tant qu'ils en eurent le pouvoir : c'était avant tout une question de prestige, car il s'agit là d'une mission régalienne par excellence ; tout souci économique n'est pas absent : par exemple lorsque sont fondés simultanément un atelier et un marché ; préoccupations que les Ottoniens ont systématisées au Xe siècle à l'est du Rhin ; leurs prédécesseurs carolingiens quant à eux n'ont songé qu'à régulariser et contrôler la floraison et le fonctionnement des marchés, c'est le sens de l'édit de Pîtres. La même ambiguïté vaut dans le domaine douanier : sur ce point, les historiens s'opposent radicalement. [...]
[...] Au total, le commerce interrégional paraît plus important que le commerce international. Monnaie et prix - quelques données factuelles d'abord: Pépin le Bref dès son avènement (en 754-755), puis Charlemagne après une famine (793-794), ont augmenté le poids du denier d'argent (de 1,1 à 1,7 ; ils consacraient ainsi l'installation définitive d'un système monétaire en argent, à plus faible pouvoir d'achat que l'or, enterrant officiellement le tremissis d'or disparu en réalité dès le dernier tiers du VIIe siècle (voir plus haut). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture