Le terme de « Renaissance » culturelle carolingienne, traduisant le mot latin « renovatio », est l'un des moins discutés par l'historiographie : si quantité de questions continuent de se poser et de donner lieu à débats, concernant nombre d'aspects de la période carolingienne, deux faits au moins paraissent acquis, dont on ne discute que pour approfondir les modalités de leur mise en place et de leur développement ; c'est d'une part le rôle de l'Eglise dans le gouvernement idéologique et pratique de l'Empire, et d'autre part la volonté de l'empereur et de ses successeurs d'appuyer la restauration politique carolingienne sur l'alliance initiée dès 751 par Pépin le Bref avec la papauté (et dès Clovis avec le Christianisme et l'appareil ecclésiastique occidental). D'ailleurs, le mot « renovatio » traduit dans les sources carolingiennes avant tout la restauration impériale. Mais cette restauration, consacrée à Rome, à Saint-Pierre, à la Noël 800, a partie si profondément liée avec la religion catholique que l'autre traduction possible du mot, en « renaissance », plus exacte littéralement, a été accolée traditionnellement à la politique scolaire et culturelle de la dynastie au XIXe siècle, de façon significative au moment où l'on découvrait avec Michelet et Burkhard l'autre Renaissance, celles des temps modernes. De fait les deux périodes présentent bien des aspects communs, leur goût pour Rome et la culture antique par exemple, mais aussi le « patronage » et l'encouragement accordés par le pouvoir politique aux lettrés.
Les contemporains de Charlemagne n'ont donc pas hésité à parler de « renovatio » pour caractériser globalement aussi bien la restauration impériale que celle d'une culture latine et chrétienne de haute tenue : Héric d'Auxerre, Loup de Ferrières, Walafrid Strabon ont tous célébré en Charles le père des arts et des lettres. Ses successeurs ont le plus souvent poursuivi ces orientations de politique culturelle, alors que la continuité est moins évidente dans d'autres domaines.
Mais ce consensus historiographique a son revers : s'il existe, s'il a été possible de démontrer l'existence de cette Renaissance, c'est qu'elle touche quasi-exclusivement une élite d'aristocrates ecclésiastiques et laïcs, les cadres du régime. On peut toujours gloser sur la politique scolaire de Charlemagne et la légende a pu en faire l' « inventeur » de l'école élémentaire : il faut ramener cela à de justes proportions et ne pas se laisser abuser par les témoignages contemporains, celui de Notker l'abbé de Saint-Gall en particulier, prétendant offrir Charlemagne en exemple à imiter à l'un des rois carolingiens issus de sa descendance, et forgeant à cette fin l'anecdote des « inspections » scolaires du glorieux empereur ; en réalité, concernant les écoles élémentaires à ouvrir dans les églises locales, il s'agissait d'abord de pourvoir le culte d'un clergé doté d'un minimum d'instruction, en recrutant des enfants de choeur pour leur apprendre un latin correct et la maîtrise d'une liturgie unifiée selon le modèle romain ; quant à parler d'un souci d'élévation globale du niveau culturel de la population, ce sont là préoccupations tout autres que carolingiennes.
Bref, parler de la Renaissance culturelle carolingienne, c'est aborder par un autre biais, celui des trésors et des manuscrits, l'histoire des élites ecclésiastiques et laïques; presque rien par contre ne fait dans les sources allusion à la façon dont le peuple reçut la dite renaissance, y compris dans ses aspects les plus étroitement cultuels.
[...] Enfin, les Carolingiens ont remis en honneur l'idée d'une nécessaire diffusion de la culture, certes sur des bases étroitement utilitaires : disposer de bons prêtres capables d'encadrer sacramentellement et moralement les Chrétiens des paroisses à peine formées ; et les recruter chez les hommes libres, pour éviter de faire des églises locales uniquement des lieux et des outils de promotion sociale. En ce sens, la réforme grégorienne postérieure, qui s'est si violemment attaquée à l'église impériale allemande héritière pour une large part des structures carolingiennes, lui doit cependant un certain nombre d'intuitions et d'amorces. Y compris l'idée que seuls des Grands laïcs dotés d'une véritable culture chrétienne pouvaient accomplir correctement leurs tâches de gouvernement. [...]
[...] La connaissance du contenu de l'enseignement demeure beaucoup plus théorique : au-delà de l'instruction éléméentaire que décrit brièvement l'Admonitio (voir supra : notes, calcul, chant, etc.), Théodulf, toujours lui, expose la façon dont devrait s'effectuer l'apprentissage des 7 arts libéraux, d'abord le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique), puis le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie). On retrouve ici la conception augustinienne de la culture : l'amour des lettres (trivium) est propédeutique au désir de Dieu (quadrivium : les disciplines scientifiques qui y figurent ont avant tout pour but de correctement célébrer la liturgie et de bien calculer les dates des principales fêtes du calendrier chrétien). On rejoint ainsi la culture des élites, dont tout indique que le renouveau constitue la grande réussite de la Renaissance carolingienne. [...]
[...] Tout le problème, concernant ce texte célébrissime destiné à l'ensemble des évêques et des abbés du royaume, réside dans son application effective. Car les mêmes conseils ou peu s'en faut reviennent sans cesse : au concile de Francfort en 794, où Charles recommande aux évêques de bien instruire ceux qui leur sont confiés ; dans la lettre datée entre 794 et 802, De litteris colendis sur le devoir de cultiver les lettres où Charles, constatant que les clercs qui lui écrivent le font en un mauvais latin, rappelle les prélats à l'ordre. [...]
[...] D'autres annales monastiques existent, ainsi celles de Lorsch tenues par Ricbod, abbé et archevêque de Trêves, membre de l'Académie palatine ; et bien sûr, côté papal, le Liber pontificalis, suite de biographies des papes depuis le VIe siècle. Ajoutons les épopées plus ou moins imitées de l'Enéide de Virgile, telles les Bella parisiacae urbis les guerres de la ville de Paris d'Abbon de Saint-Germain-des- Prés. Participe de ce mouvement le souci de glorifier la dynastie carolingienne dès ses origines : Charlemagne commande à Paul Diacre, d'origine lombarde, une Histoire des évêques de Metz, qui consiste en fait à louer la sainteté de son ancêtre Arnoul, enterré à Metz dont il fut l'évêque. [...]
[...] Plutôt que de spéculer sur les effets difficiles à mesurer des décisions prises par Charles et son entourage, il vaut mieux s'attacher à un cas local d'application, bien étudié, de la Renaissance carolingienne celui de Lyon, cité riche d'une ancienne tradition culturelle, mais une tradition passablement déchue suite aux effets des guerres entre Barbares puis Francs. II- Quelques effets de la Renaissance carolingienne : le cas lyonnais Lyon est en effet l'une des rares villes de l'ancienne Gaule romaine où existe une continuité culturelle par-delà le Ve siècle, en tout cas du point de vue de la production des manuscrits. [...]
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