Selon Michèle Beaulieu dans son article « le costume français miroir de la sensibilité (1350-1500) », le but essentiel de l'homme qui s'habille n'est ni de lutter contre la rudesse du climat, ni d'exprimer une certaine pudeur, mais de rendre un culte à son corps en lui donnant une apparence déterminée, investie de tout ce qui peut être un signe de gloire, ou de puissance dans le monde. Lorsqu'il ne répond plus à sa fonction essentielle, le vêtement prend une signification nouvelle : le symbole. D'après Roland Barthes, le vêtement est un « outil de communication ».
Ainsi, le vêtement ne peut pas être vu comme une nécessité, mais comme un outil véhiculant une idéologie : le vêtement, et notamment dans cet exposé, le vêtement médiéval affirme les différences, que ce soit des différences de statuts sociaux, des différences de professions ou bien alors des différences sexuelles aidant ainsi les genres à se distinguer, voire à s'opposer.
Si le vêtement du haut Moyen-âge et du Moyen-âge central insiste sur la qualité guerrière de l'homme, et au final, ne se distingue pas plus que ça du vêtement féminin (les deux sont formés de longues tuniques), le vêtement médiéval, à partir de la moitié du XIVe siècle, met l'accent sur une différentiation physique des corps et donc une différenciation sexuelle. Les vêtements mettent dorénavant en valeur les courbes des corps (en fonction de l'âge de la personne, néanmoins, comme on va le voir dans la première partie) affirmant ainsi deux statuts sexuels bien opposés. Cette « révolution » (comme le soulignent quelques auteurs de l'époque) dans le vêtement se déroulant au XIVe siècle, mon exposé traitera en grande partie de cette période.
Quel genre féminin et quel genre masculin construit le vêtement médiéval ?
[...] Bibliographie DUBY (Georges), Histoire des femmes en Occident, tome II Le Moyen Age, Plon, coll. Tempus, Paris PASTOUREAU (Michel) ss la dir., Le vêtement : Histoire, archéologie et symbolique vestimentaires au Moyen Age, Les Cahiers du Léopard d'or, Ed. Le Léopard d'Or, Paris - BEAULIEU (Michèle), Le costume, miroir des mentalités de la France médiévale (1350 1500) - ALEXANDRE-BIDON Du drapeau à la cotte, vêtir l'enfant à la fin du Moyen Age, XIIIe XVe - BLANC (Odile), Vêtement féminin, vêtement masculin à la fin du Moyen Age, le point de vue des moralistes SETHOM (Sonia), Corps revêtu, Corps contraint, Connaissances et Savoirs, Paris BOURDIEU (Pierre), La domination masculine, Seuil, Paris BARTHES (Roland), Histoire et sociologie du vêtement, quelques observations méthodologiques, Annales ESC, Paris BARTHES (Roland), Système de la mode, Paris, Seuil, 1967. [...]
[...] Et en fonction de l'âge, le genre est plus ou moins affirmé. Barthelemy l'Anglais dans le Livre des propriétés des choses a souvent représenté les quatre ou les sept âges de la vie de l'homme, Philippe de Novare en présente 4 dans Les quatre âges de l'homme (1260), Gilles de Rome (1280) voit lui 3 âges de la vie. On ne retiendra que 4 voire pour que plus de simplicité, sachant que chaque tranche d'âge est elle-même subdivisée : -l'infantia, est fixé de 0 à 7 ans par Isidore de Séville ou Barthelemy l'Anglais. [...]
[...] C'est le livre de Quicherat qui décrit le mieux ce changement survenu lors du XIVe siècle, vers 1340. La révolution fut radicale. Aux longues tuniques fut substituée sous le nom de jaquet ou jaquette, une étroite camisole qui n'atteignait pas les genoux Les chausses, mises à découvert dans presque toute leur longueur allèrent s'attacher aux braies vers le haut des cuisses Avant, la tunique était l'élément principal du vêtement masculin, et dorénavant, il est composé de 2 pièces : la jaquette (ou pourpoint) ainsi que les chausses qui sont mises en valeur. [...]
[...] Dans cette stratégie de la séduction, le rôle du vêtement est évidemment capital. C'est ainsi que le vêtement nouveau de la femme, dévoilant son corps, fait naître un stéréotype féminin, celui de la femme lubrique, adepte de la luxure, idolâtrant son corps, et faible d'esprit L'homme de mode sans vergogne Le nouveau vêtement révèle le corps masculin, dont les jambes sont gainées de chausses moulantes et le buste ajusté au plus près et exagérément cambré. Ainsi Gilles de Muisi, mentionnant dans ses Annales la transformation vestimentaire du milieu du XIV, juge le raccourcissement et l'ajustement du vêtement masculin impudique et déshonnête. [...]
[...] La différentiation des corps sexués et l'affirmation des genres s'accompagnent de la mise en place de stéréotypes : les vêtements du XIVe créent des genres stéréotypés. II Mode du XIVe siècle : la construction du genre par les moralistes 1 Femme parée, femme pécheresse La femme fardée et vêtue somptueusement par des habits suscitant l'envie du sexe opposé met en avant la vile extériorité de son corps selon les moralistes, contrairement à l'ordre voulu par Dieu. Son intérêt est tout à fait tourné vers le souci extérieur du corps et l'empêche d'une vie spirituelle complète. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture